Rami Malek : « Je voulais surprendre la caméra autant que lui la surprenait »

Bohemian Rhapsody
De Bryan Singer (ÉU, 2h15) avec Rami Malek, Lucy Boynton...

"Bohemian Rhapsody " / Les qualités de Rami Malek vont au-delà d’une ressemblance physique troublante avec Freddie Mercury. L’acteur s’est investi corps et âme dans ce portrait du meneur de Queen. Propos rapportés lors de sa visite parisienne.

Les membres de Queen Brian May et Roger Taylor sont producteurs exécutifs du film. Quelle influence ont-ils exercé sur le tournage, et vous ont-ils dit des choses particulière sur Freddie Mercury ?

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Rami Malek : Déjà, vous pouvez imaginer à quel point c’était incroyable et monumental d’incarner Freddie Mercury : personne d’autre n’a été aussi provocateur ; après on a cassé le moule ! Quand Brian et Roger m’ont accueilli et accepté, ça a été comme une bénédiction. Je ne crois pas que j’aurais pu avoir une chance d’incarner Freddie s’ils n’avaient pas cru en moi. Brian m’a apporté beaucoup de soutien : il m’a permis de l’appeler à n’importe quel moment — ce que j’ai parfois fait à des moments difficiles extérieurs au films, parce qu’il était peu à peu devenu un mentor. Lorsqu’il a vu le film, ce qu’il m’a déclaré constitue pour moi le plus grand remerciement que je pouvais espérer ; j’en suis extrêmement fier.

Durant le tournage, je suis d’une certaine manière tombé amoureux de lui : c’était une expérience fascinante pour l’acteur que je suis. En tant qu’être humain, il envoie un message très puissant sur l’intégrité, la fidélité à soi-même, à qui l’on est réellement.

Vous avez déclaré que ce film avait changé votre vie. En quoi exactement ?

RM : Franchement, comment ne l’aurait-il pas changée ? En tant qu’acteur, j’ai été mis au défi d’interpréter un personnage hors normes, impressionnant de par sa musique mais aussi en tant que performer sur scène. C’était autant euphorisant qu’angoissant à relever : comment incarner une icône aimée par autant de personnes et de tant de manières différentes ? Je crois à un moment avoir presque capté son “essence“ — je le dis en tout humilité — et c’était presque une victoire sur moi-même.

Durant le tournage, je suis d’une certaine manière tombé amoureux de lui : c’était une expérience fascinante pour l’acteur que je suis. En tant qu’être humain, il envoie un message très puissant sur l’intégrité, la fidélité à soi-même, à qui l’on est réellement.

Quelle a été votre préparation pour “devenir“ Freddie Mercury ? Y a-t-il eu un moment clef ?

RM: J’étais sur le tournage de ma série Mr Robot quand on m’a proposé le rôle. Les producteurs m’ont fait venir à LA et m’ont parlé pendant 6 heures ! Je suis reparti chez moi chargé de documentation, de livres en me disant que ce n’était pas possible, que je ne pourrai pas faire ce mec-là. À l’époque, le producteur avait les droits avec les Queen, mais pas le budget ; si jamais cela se concrétisait, il valait mieux que je sois prêt. Je suis donc allé à Londres avec mon propre argent ; j’ai pris une chambre, des cours de chant, de piano, de dialecte — sa voix était vraiment unique.

Ensuite, j’ai commencé à réfléchir à la chorégraphie. Je ne voulais pas d’un chorégraphe car Freddie Mercury était dans la spontanéité, ce qui rendait son show si spécial : on ne savait jamais ce qu’il allait faire. Moi-même, je voulais surprendre la caméra autant que lui la surprenait à l’époque, en l’obligeant à le suivre. Alors j’ai engagé une professeure de mouvement. On a travaillé dans un espace énorme en commençant chaque session par regarder des interviews de Freddie. Pour étudier les inclinaisons de son corps, la manière dont ses mains touchaient le sofa ou un fil, et comment ce geste pouvait ensuite se retrouver dans un concert. Ensuite seulement on dansait. Par exemple, il fallait que je skie à travers la pièce — alors qu’il fallait que je fasse Live Aid un mois plus tard ! Mais il fallait que je le fasse en pensant à Freddie, et c’est vrai : j’ai repéré par la suite toutes les fois où il faisait cette “danse du skieur“ — sur We will rock you, par exemple. J’ai compris qu’il aimait beaucoup Liza Minelli, dans Cabaret et les chorégraphies de Bob Fosse.

Mais le moment clef a été le concert Live Aid, qui de surcroît à été tourné dans les premiers jours sur le plateau. On voulait que ce soit conforme à ce qui s’est passé dans la réalité, dans le détail des mouvements scéniques, de la performance et de l’ambiance. Nous avons filmé tout le concert sans interruption. Au début, on faisait une chanson par-ci par là (on passait de Bohemian Rhapsody à Radio Gaga puis à Hammer To Fall). Mais je ne me sentais pas en forme comme pendant les répétitions. Je me suis alors rendu compte que ce qui était important, c’était de faire une énorme plan-séquence de l’ensemble le concert, dans sa fluidité, avec toutes les caméras. J’avais besoin de cette adrénaline, y compris pour les mouvements les plus difficiles — Freddy Mercury devait avoir l’adrénaline qui lui coulait dans les veines ; c’était impossible autrement. En filmant dans la continuité, à la fin, on a eu une impression de réussite et presque de plénitude. On s’est tous regardé et on s’est dit : « Si on peut filmer le Live Aid, on peut tout filmer » Pour un acteur, être sur scène est un choc d’adrénaline ; à ce niveau de jeu, on ressent le cœur qui bat au point d’exploser !

Aviez-vous détecté des “pièges“ à éviter ?

RM : J’avais conscience qu’il ne fallait jamais l’imiter. Dans ma tête, il n’y a qu’un seul Freddie Mercury. Toutefois, pour essayer d’être au plus juste, je recherchais son intériorité car c’est d’elle qu’il tirait son audace scénique. J’aurais pu évidemment faire une très bonne imitation de Freddie — même maintenant, pendant cette interview, avec sa voix — mais l’important n’était pas là. Je voulais éviter la caricature : déjà, il avait des dents et des vêtements incroyables — il était incroyable. J’ai passé des heures à essayer des costumes, et cela m’a été d’une grande aide : j’avais le sentiment d’être comme lui au moment où il allait monter sur scène, en train de passer des heures à se préparer, à parler avec des gens et à leur demander leur avis, une petite tasse de thé… Autant de petites choses qui m’aidaient à être le vrai Freddie, la vraie personne.

Je me souviens aussi ce jour où la sœur de Freddie est arrivée sur le tournage. On s’est pris dans les bras ; il n’y avait pas de plus grande récompense.

C’est le type de rôle et d’interprétation qui peut vous conduire droit à l’Oscar…

RM : Je suis un peu jeune, et c’est un peu tôt, pour recevoir un tel cadeau ! Je garde en mémoire un dîner à Barcelone avec Roger Taylor, Brian May et le producteur Jim “Miami“ Beach durant lequel il y a eu un moment très privé que je veux pas complètement dévoiler, mais disons que les témoignages que j’ai reçus équivalent au plus grand de tous les prix que j’aurais pu avoir. Je me souviens aussi ce jour où la sœur de Freddie est arrivée sur le tournage. On s’est pris dans les bras ; il n’y avait pas de plus grande récompense.

Un personnage aussi fort laisse-t-il chez un comédien des traces au-delà l’interprétation ?

RM : Oui, il m’a donné de confiance par rapport au rôle et en tant qu’être humain. Sur le tournage, j’essayais de donner la sensation à l’équipe qu’on pouvait tous y aller et réussir. J’essayais de booster le moral des troupes chaque matin. C’est ce qu’il me reste, ce qu’il m’a légué : une envie, un désir. Sa sœur, qui m’a vu tourner plusieurs prises, est venue vers moi et m’a dit : « Tu sais, tu es un perfectionniste comme Freddie. Mais il savait aussi s’amuser. Alors, prends le temps de le faire ».

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