De Bi Gan (Chi.-Fr., 2h18) avec Tang Wei, Huang Jue, Sylvia Chang...
Dans la ville qui l'a vu naître, un homme est de retour sur les traces de son passé et de la femme qu'il a aimée. Errant dans la cité obscure, alors que se tient une étrange kermesse, il s'abandonne à ses rêves...
Le cinéma de Bi Gan fait fi de la stricte linéarité narrative, préférant composer avec la suggestion et le ressenti. Il s'agit donc pour le spectateur (d'accepter) de s'immerger dans une expérience plutôt que de suivre une trame fixe, de (consentir à) se perdre dans un faisceau d'énigmes visuelles d'autant plus déroutantes qu'elle n'ont pas forcément de réponses. C'est un peu comme soumettre les personnages schizoïdes de David Lynch à une quête langoureuse de Wong Kar-wai : on en sort cotonneux comme d'une séance d'hypnose. D'ailleurs, ce Grand voyage... en emprunte un peu du rituel en demandant au public de plonger dans un état modifié de conscience au mitan du film, lorsqu'il faut chausser des lunettes 3D.
Objet expérimental, installation d'art contemporain filmique, l'œuvre de Bi Gan réclame l'abandon des critères ordinaires d'appréciation. Elle peut légitimement révulser — comme le public chinois, à qui l'on avait vendu un polar ou une romance —, elle peut envoûter par son esthétique virtuose. Tout est question de compatibilité entre l'imaginaire des uns et les rêves des autres...