"Exfiltrés" : Services extérieurs

L’exfiltration d’une djihadiste repentie française et de son fils, orchestrée en marge des services de l’État. Emmanuel Hamon signe un très convaincant premier long métrage aux confins de l’espionnage, du thriller et de la géopolitique contemporaine.

Prétextant des vacances en Turquie, Faustine a fui vers la Syrie avec son fils, laissant son époux Sylvain mort d’inquiétude. Mais le fils du patron de Sylvain effectuant des missions humanitaires dans la région va entreprendre les recherches pour les localiser. Une chance dans leur malheur…

On devrait rechercher une corrélation entre l’âge auquel les cinéastes réalisent leur premier long métrage et le nombre de kilomètres (ou de pays) que leurs protagonistes avalent — Newton a bien établi que les corps s’attiraient mutuellement en proportion de leur masse et de l'inverse du carré de leur distance ! Toute plaisanterie à part, ce désir “d’ailleurs“ coïncide souvent avec des thématiques très éloignées des préoccupations auto-centrées mobilisant le cortex des néo-auteurs, davantage enclins à considérer leur nid que le monde les entourant. Comme l’expérimenté scénariste Thomas Bidegain avant lui pour Les Cowboys, Emmanuel Hamon a trouvé dans le maelström géopolitique contemporain — et tout particulièrement dans la séduction mortifère exercée par le djihadisme — un sujet solide mêlant destins individuels et raison d’État, les premiers se fracassant sur la seconde.

Au tamis du réel

Un sujet brûlant d’actualité et à fort potentiel cinématographique également, sous réserve de souscrire aux nécessaires exigences de crédibilité et de puissance dramatique. Là encore, Hamon s’en tire avec les honneurs en dressant une synthèse limpide de la situation, assez explicite pour instruire le public lambda des enjeux diplomatico-stratégiques et suffisamment allusif dans l’évocation des systèmes parallèles, des procédures dites “classifiées“ ou des liens occultes entre humanitaires et agents semi-dormants. À cela s’ajoute un très honnête traitement façon thriller prouvant que les auteurs français ne craignent plus — sans doute depuis le succès international de leurs séries d’espionnage — de s’engager dans ce qui constituait jadis le pré carré des Anglo-saxons.

Jouant enfin la très heureuse carte du renouvellement des visages (Charles Berling fait figure d’exception notable), Exfiltrés confirme l’émergence d’une génération d’interprètes, à laquelle appartient également Xavier Legrand. Qu’il soit pour finir permis un poser un bémol en forme de regret mineur : la qualité de l’image et du son n’est pas toujours à la hauteur du projet narratif. Un défaut véniel…

Exfiltrés de Emmanuel Hamon (Fr., 1h43) avec Swann Arlaud, Finnegan Oldfield, Jisca Kalvanda…

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