De Pierre Godot (Fr. 1h30) avec Benoît Poelvoorde, Édouard Baer, Suzanne Clément...
En dépit de ses efforts, et depuis son enfance, Raoul Taburin n'est jamais parvenu à se tenir sur un vélo. L'ironie du sort fait que tous le prennent pour un crack de la bicyclette et qu'il est devenu le champion des réparateurs. L'arrivée d'un photographe dans son village va changer son destin...
Cette libre adaptation de l'album illustré de Sempé ressemble à une rencontre entre L'Homme qui tua Liberty Valance (1962) — pour sa fameuse morale (“Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende“) condamnant certains imposteurs malgré eux à supporter leur gloire indue — avec le réalisme magique, rendant anodin le surgissement d'éléments surnaturels. Ici, la bicyclette verte de Raoul paraît douée d'une vie propre, et le feu du ciel frapper ceux à qui il s'ouvre de ses secrets. Cela pourrait aussi bien être des hallucinations ou des coïncidences ; à chacun de déterminer son seuil tolérance à la poésie.
Mettre en mouvement un coànte narrant l'impossibilité pour un personnage de défier la gravité sur son vélo tient de la gageure, mais Pierre Godeau relève le gant en respectant la tonalité délicate du trait de Sempé, et sa légèreté d'aquarelle. Il trouve dans la lumière, comme dans le décor du village (apparaissant ici dans l'immutabilité d'un chromo d'Épinal) des équivalences adroites. Quant aux costumes, ils caractérisent les personnages et vieillissent avec eux : de tels prodiges sont possibles dans un conte, puisque Raoul Taburin en constitue définitivement un, dont les bonnes fées s'incarnent en une épouse aimante et un photographe urbain. Un bien joli tandem.