Musée / L'exposition du Musée d'art et d'industrie Vendre de tout, être partout / Casino revient, à travers le prisme du devenir du groupe stéphanois Casino, sur l'évolution de la consommation et sur le développement de la grande distribution en France. Une plongée au coeur d'un pan de l'économie française d'une manière originale et un angle de travail pris pour la première fois dans un musée.
Cela fait maintenant plus de 120 ans que le groupe Casino et la ville de Saint-Étienne sont intiment liés. Une histoire forte et un lien qui unit ce fleuron de la grande distribution à la française et notre cité. En 2016, les Archives municipales récupèrent une très grande quantité de documents (plus de 200 mètres linéaires), la Cinémathèque plus de 5 000 films et le Musée d'art et d'industrie près de 600 objets qui viennent compléter la politique d'acquisition d'objets emblématiques de Casino débutée en 2005... Se pose alors la question de la mise en valeur de cette collection. Tandis que les Archives municipales se lancent dans le montage de l'exposition Inventaire ! Casino et Saint-Étienne, les équipes du MAI planchent sur une exposition qui mettra en avant non pas une simple chronologie de l'entreprise mais bien le processus par lequel Casino, petite épicerie familiale, est devenue un groupe international. C'est en cela que Vendre de tout, être partout / Casino est unique. Elle opte pour une approche nouvelle d'un acteur majeur de l'économie française du XXe siècle et encore d'aujourd'hui : la grande distribution et son évolution.
Dis-moi ce que tu consommes je te dirai qui tu es
Découpé en trois parties distinctes (Décider, Fabriquer et Vendre), le parcours de visite permet de passer de l'ambiance de la première épicerie aux célèbres caféterias du groupe tout en passant par le projet de nouveau siège, les processus de décision et l'arrivée des hypermarchés qui changeront la donne dans les années 70/80. Les problématiques sociales ne sont pas oubliées avec la place des syndicats qui n'est pas masquée. C'est un point d'ailleurs assez intéressant, permettant de voir que les commissaires d'expositions (Marie-Caroline Janand et Chloé Mercier, assistés d'Éric Perrin) ont eu la liberté d'évoquer les thèmes qu'elles souhaitaient. À travers une scénographie épurée, mettant en valeur une sélection précise d'objets, d'affiches ou de projections, on se rend compte de la rapidité des transformations du commerce. Une exposition sur un groupe certes, où l'on révise l'origine du nom Casino, où l'on apprend entre autres que l'entreprise a été la première à mettre en place les dates de péremption ou les contrôles qualité... mais aussi et surtout où l'on en découvre beaucoup sur nos modes de consommation.
Vendre de tout, être partout / Casino, jusqu'au 6 janvier 2020 au Musée d'art et d'industrie de Saint-Étienne
Marie-Caroline Janand : « Un sujet qui n'a jamais été abordé dans un musée »
La directrice des Musées d'art et d'industrie et du Puits Couriot/Musée de la mine, Marie-Caroline Janand revient pour nous sur l'exposition Vendre de tout, être partout / Casino dont elle est co-commissaire générale avec Chloé Mercier. L'occasion d'évoquer l'origine d'un tel projet.
D'où est venue l'idée de créer une exposition muséale à propos de la grande distribution ?
Marie-Caroline Janand : Il s'agit d'abord d'une commande. La Ville de Saint-Étienne a signé une convention avec le Groupe Casino pour la gestion de leurs archives et de certains objets patrimoniaux. Les Archives ont été déposées aux Archives municipales, les films à la Cinémathèque et les objets au Musée d'art et d'industrie. Dans cette convention, il était question de faire une exposition aux Archives, qui est encore visible (ndlr : Inventaire ! Casino et Saint-Étienne en cours jusqu'au 22 septembre) et une exposition au Musée d'art et industrie. Mais nous ne souhaitions pas faire l'histoire de la marque, cela ne nous intéressait pas. Casino nous a laissé entièrement libre et nous avons abordé avec un comité scientifique les notions que nous voulions. ll est apparu assez rapidement qu'aborder un traitement historique était très institutionnel et on restait cloisonné à Casino Saint-Étienne. Ce qui nous intéressait à travers le développement des thématiques présentes dans l'exposition, c'était de traiter l'histoire de la consommation et de la grande distribution en France.
« Dans cette exposition, nous avons voulu conserver une vision thématique et non chronologique. »
On retrouve ce positionnement à travers les trois grandes parties de l'exposition...
Oui, tout à fait : Décider, Fabriquer et Vendre. Dans chaque thématique, on traite de manière transchronologique, c'est-à-dire que l'on n'est pas attaché à un temps de l'histoire de l'entreprise. On évoque les points de ruptures et les continuités, par exemple dans la partie Décider avec toute la question des transferts de capitaux ou comment le capital va s'ouvrir ou encore dans la partie Fabriquer où l'on découvre que Geoffroy-Guichard se rend très vite compte que pour approvisionner toutes ses succursales, il est nécessaire de fabriquer. Cela réduit les coûts et il obtient la qualité de produits qu'il souhaite. Dans cette exposition, nous avons voulu conserver une vision thématique et non chronologique.
En 2018 ont été fêtés les 120 ans du Groupe Casino. L'exposition est donc liée à cet anniversaire ?
Nous avons fait glisser les calendriers. Quand j'ai pris mon poste, nous étions encore loin d'avoir finalisé le travail pour cette exposition. Il a été décidé que les Archives partaient sur une présentation en 2018 et nous avons fait le choix d'ouvrir en 2019 pour coller à notre planning car en 2018 nous avions déjà une exposition, Urbanus Cyclus. Le dépôt des objets a été effectué en 2016. Il a fallu le temps de traiter ces objets et attendre que les archivistes répertorient l'ensemble.
Le fait que votre exposition ait été reconnue d'intérêt national par le ministère de la Culture, la Direction générale des patrimoines et le Service des musées de France, que cela change-t-il ? Qu'est-ce que cela apporte à l'exposition ?
Ce label est attribué à 15 expositions en France chaque année. Il est assorti d'une subvention. En général, il porte non seulement sur l'exposition mais sur l'ensemble des animations qui l'entourent : l'intérêt des visites guidées, les dossiers pédagogiques, les propositions de films, les conférences, les scientifiques que l'on fait venir... C'est aussi l'aspect singulier qui est remarqué, le fait que l'on traite un sujet qui n'a jamais été abordé dans un musée et qui n'a pas été si simple à traiter. Nous nous sommes retrouvés, avec la Direction des affaires culturelles, à travailler une collection de plusieurs centaines d'objets que l'on n'a pas l'habitude de voir dans un musée comme des boîtes de conserve par exemple. En tant que professionels, nous nous sommes interrogés en permenence sur la pertinence d'exposer telle ou telle chose. Ce sont le travail de recherche scientifique, la mise en valeur par l'exposition et la scénographie mais aussi la manière dont nous allons faire vivre cette expo auprès de tous les publics qui ont été remarqués à travers ce label.
Cette exposition a ouvert pour la Biennale du design. Est-ce que la fréquentation a été importante pendant ce mois de Biennale ?
Il est encore un peu tôt pour se prononcer. Il faut attendre quelques mois pour savoir si c'est l'effet Casino qui va jouer ou davantage l'effet Biennale. Nous aurons une fréquentation de toute manière plus importante sur cette période que d'habitude.