De Romain Cogitore (Fr.-Taï, 1h30) avec Déborah François, Paul Hamy, Daniel Martin...
Polyamoureuse, Maria s'est exilée à Taïwan pour devenir guide-interprète (en flamand). Sur place, elle flashe sur Olivier, un polyglotte compulsif... mais sentimentalement timoré. Après quelques mois de bonheur fou, Olivier se sent mal et un cancer du sang le plonge dans un coma profond...
Les énièmes remous aigres de “l'affaire Vincent Lambert” précèdent d'une bien triste manière la sortie de ce très audacieux mélo expérimental. Car il serait des plus malséants de prendre appui sur ce film (lui même inspiré d'un authentique cas clinique) pour donner du grain à moudre aux partisans de l'acharnement thérapeutique : comparaison n'est jamais raison, et les dossiers médicaux n'ont rien à voir. En outre, si l'on est honnête, Cogitore ne s'intéresse pas au “miracle médical” d'une guérison, mais plutôt à l'apprentissage d'un deuil amoureux. Et surtout, il se saisit de la matière cinématographique comme d'une chance pour transcender son récit — c'est une constante, visiblement, dans la prolifique famille Cogitore.
L'Autre continent revêt donc successivement les atours d'une solaire et pétillante comédie sentimentale, puis d'un mélo voilé, tout en étant contaminé par des inclusions oniriques ou poétiques : de brèves séquences abstraites figurant aussi bien des paysages, l'immensité d'un cosmos ou la chimie intérieure d'un corps. Si comme dans Se souvenir des belles choses (2002) de Zabou Breitman, la question de la permanence de l'amour se pose lorsque l'être se dissout mais que son “enveloppe” demeure intacte, le cinéaste propose ici une issue rationnelle, voire cartésienne. Bien qu'il fasse état de cette insondable part d'inexpliquée et d'inconnu agaçant encore la médecine, son film s'attache à métamorphoser par l'image et le son des concepts (comme le principe mnémotechnique du palais de la mémoire) et des sensations ; à rendre concret par le cinéma l'indicible et l'intangible afin qu'il habite à jamais notre mémoire.