Macha Gharibian, jazzwoman épanouie

Macha Gharibian trio

La Passerelle

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Jazz / Après un premier album, Mars, qui avait fait l'unanimité en 2013, Macha Gharibian enfonçait le clou trois ans plus tard avec le magnifique Trans Extended. développant un style très personnel entre jazz oriental, néo-classique et pop. Compositrice audacieuse, la chanteuse et pianiste passe par le Rhino Jazz(s) festival alors qu'un troisième LP est en gestation. Rencontre avec une artiste épanouie dans la peau d'une femme libre.

Qu'avez-vous fait des trois années qui viennent de s'écouler depuis la sortie de Trans Extended ?

La tournée qui a accompagné l'album m'a fait beaucoup voyager. Nous avons notamment joué en Chine, à Taïwan, en Colombie et bien sûr en France lors des gros festivals de jazz. Passer par Marciac, Vienne ou Tourcoing était pour moi une étape très importante. Ensuite il faut forcément un temps de repos pour que de nouvelles choses puissent naître. Le travail en trio sur mes nouvelles compositions a débuté en janvier 2018 lors d'une résidence à L'Astrada. Depuis, certains morceaux ont commencé à faire leur chemin sur scène car il faut un temps de maturation. Je ne suis pas une rapide, j'ai besoin de prendre le vrai temps. Mon troisième album est en bonne voie, les séances de studio sont terminées mais tout n'est pas encore complètement finalisé. Je l'ai enregistré avec le contrebassiste Chris Jennings et le batteur Dré Pallemaerts. La sortie est prévue pour janvier 2020, l'album sera distribué par PIAS.

Ce troisième album sera-t-il dans la continuité du précédent, autour du voyage, du déracinement ou de la transmission ?

Il sera surtout dans le prolongement de qui je suis en tant que femme ou de ce que je traverse dans ma vie, car il y a forcément des choses que l'on souhaite creuser en fonction de l'âge que l'on a lorsque éclot un nouveau projet. Je suis une musicienne du XXIe siècle, avec mon histoire personnelle. Dans ce nouvel album, les gens qui me connaissent me reconnaîtront, mais ils entendront aussi quelque chose de nouveau, avec de vraies nouvelles thématiques.

Auteure, compositrice, interprète et productrice, n'avez-vous donc désormais besoin de personne ?

C'est presque ça ! [Rires] Je me suis quand même entourée de merveilleux musiciens sans qui ma musique ne pourrait pas sonner comme elle sonne aujourd'hui. Mais oui, c'est vrai, il m'a fallu du temps pour assumer cette posture de leadeuse. Il faut gagner une forme de maturité pour savoir dire qui on est, dépasser une certaine pudeur, ne plus se cacher, oser dévoiler des choses personnelles et même dire les choses de manière frontale. Le monde actuel voit la parole des femmes se libérer, l'affirmation de soi devient un thème essentiel. Quand on voit par exemple avec quel aplomb Greta Thunberg, une fille de seize ans, affronte un monde politique franchement intimidant, je trouve que ça donne la force et le courage d'être soi-même en tant que femme.

Les musiciennes traînent cette difficulté à présenter leur musique car elles ne se sentent pas légitimes.

En va-t-il de même sur la planète jazz ?

Dans ce milieu très masculin, trouver sa place reste encore un combat pour les musiciennes. Quand je constate qu'il n'y a pas une seule femme dans la programmation de certains clubs de jazz, cela me choque. Il y a un vrai problème. Les musiciennes traînent cette difficulté à présenter leur musique car elles ne se sentent pas légitimes. Moi-même, quand j'étais encore étudiante, jamais je ne me suis sentie à la hauteur pour me présenter à un concours de jazz ! Il faudrait tout remettre à plat : femmes et hommes ont autant de forces ou de fragilités. Le jazz reste une musique de virtuose où il faut montrer qu'on a des couilles ! Alors quand une femme veut proposer autre chose, de plus poétique, c'est très compliqué. Je pense par exemple à la trompettiste Airelle Besson qui a dû attendre dix ans avant que l'on parle enfin d'elle.

Dans la formule minimaliste du trio, le choix des musiciens est-il forcément capital ?

C'est justement ce qui est propre à la famille du jazz et qui serait très différent dans la pop : pour un projet aussi personnel je n'appelle pas n'importe quel batteur ni n'importe quel contrebassiste. C'est d'ailleurs très difficile de remplacer un musicien lorsqu'il a un souci de disponibilité. Même si je donne la direction musicale et si je fais les arrangements des nouveaux morceaux, l'identité esthétique du projet n'est pas seulement la mienne, elle est aussi celle des deux autres membres du trio. J'ai vraiment besoin de leur sensibilité et de leur oreille sur ce que je propose, car je suis en perpétuel questionnement. Dré et Chris apportent une vraie couleur à ma musique. Nous avons enregistré la totalité des titres en trois jours, dans une grande concentration et une grande exigence. Quand la connivence humaine est là en même temps que la connexion musicale, on peut être très efficace et ne pas avoir besoin de beaucoup parler pour sentir des choses.

En tant que chanteuse je sens qu'il y a quelque chose qui s'ouvre à l'intérieur.

Au-delà du piano, votre voix semble être un instrument à part entière...

Je crois que j'ai de plus en plus envie de chanter. C'est là encore le fait de grandir et de lâcher prise. En tant que chanteuse je sens qu'il y a quelque chose qui s'ouvre à l'intérieur. J'ai à la fois des morceaux très rythmiques où je me positionne comme une warrior qui trace sa route sans trembler, puis des morceaux plus aériens où je laisse les émotions prendre le dessus pour laisser parler le cœur. Chanter en arménien me permet certes d'exprimer tout l'héritage de ma double histoire familiale. Mais chanter en français, en anglais, en grec ou en espagnol laisse exprimer différentes parts de moi-même. Les langues m'inspirent, comme les villes. New York a été un passage très important dans mon parcours, mais aujourd’hui ce sont des villes comme Istanbul qui m'attirent. Nous allons bientôt jouer en Inde, pays que je ne connais pas encore, je pressens que ce sera encore un autre voyage initiatique avec de belles découvertes musicales. Je ne suis pas une grande touriste, pour moi les vacances c'est plutôt Marseille ou l'Auvergne. Mais je profite de mon métier de musicienne pour voyager et rencontrer des gens.

Macha Gharibian trio, jeudi 10 octobre à 20h30, salle La Passerelle à Saint-Just Saint-Rambert, dans le cadre du Rhino Jazz(s) festival

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 3 septembre 2019 Que ceux qui trouvent le festival de Marciac trop éloigné ou celui de Vienne trop cher se rassurent : voici LA séance de rattrapage pour apprécier en (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X