De Marco Bellocchio (It.-Fr.-All.-Br., avec avert. 2h31) avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane...
Italie, années 1980. Afin d'échapper à la guerre des clans minant la Cosa Nostra, Tommaso Buscetta s'est réfugié au Brésil d'où il assiste à l'élimination des siens. Son arrestation, puis son extradition le conduisent à collaborer avec la justice, en la personne du juge Falcone...
Depuis une dizaine d'années, le prolifique Marco Bellocchio jalonne sa filmographie d'œuvres aux allures de sommes ou de sage embrassant les grands “moments“ de l'Histoire transalpine : Buongiorno, notte (2003) traitait des années de plomb à travers l'épisode de l'enlèvement d'Aldo Moro, Vincere (2009) de l'avènement de Mussolini ; et celui-ci donc de la dislocation de l'organisation mafieuse Cosa Nostra devant les tribunaux à la suite du procès géant de Palerme. S'il s'agit à chaque fois de retracer des saignées dans le récit collectif italien, Bellecchio les incarne “de l'intérieur“, mais en habitant le point de vue de personnages dont le jugement va se décaler, voir s'opposer à celui du groupe auquel ils appartiennent. C'est le cas de Buscetta, *homme d'honneur* selon les critères à l'ancienne de Cosa Nostra, qui devient un repenti par représailles parce que l'Organisation trahit sa *morale* en se lançant dans le trafic de stupéfiants et en liquidant à tout-va. Buscetta va paradoxalement apparaitre comme un traître alors qu'il reste fidèle à son serment originel ; sa probité le rapproche du juge Falcone, mouton noir incorruptible de sa profession.
Thriller salutaire emontrant accessoirement l'étendue mondiale du réseau mafieux, cette reconstitution épique — dotée au passage de séquences intensément spectaculaire et admirablement porté par ce taureau de Pierfrancesco Favino— explique la situation italienne de 2019. Elle apporte un contrepoint réaliste et salutaire au cinéma de Sorrentino (Il Divo, Loro...) volontiers porté sur la métaphore. Un rude concurrent à l'Oscar pour Les Misérables.