"In Fabric" : La petite horreur des boutiques

Le diable s'habille en carmin / De Peter Strickland (G.-B., int.-12 ans, 1h58) avec Marianne Jean-Baptiste, Gwendoline Christie, Fatma Mohamed…

Divorcée, tirant le diable par la queue, Sheila héberge chez elle son feignant de fils et son atroce petite amie. Un jour, elle succombe aux réclames d’une luxueuse échoppe de prêt-à-porter, Dentley & Soper’s, et se laisse persuader par la vendeuse d’acheter une robe. Elle le regrettera…

Sans doute le plus vénéneux easter egg de l’édition 2019 du festival Hallucinations collectives, ce conte noir de Peter Strickland ne dissimule pas un instant ses intentions horrifiques. Baignant dans une ambiance majoritairement nocturne et des lumières artificielles crues accentuant la dureté des traits ou des teints, In Fabric conditionne le public à vivre une situation cauchemardesque. Voire méphistophélique : magasin maudit peuplé d’une clientèle mesmérisée où trône une vendeuse obséquieusement raide et au parler désuet, Dentley & Soper’s exhale une délicieuse odeur de soufre. De bon aloi pour un film travaillant au corps jusqu’à l’os des motifs faustiens et faisant preuve d’une stylisation plastique extrême.

Dans cette variation contemporaine sur le thème de la Tunique de Nessus, en plus gore, Strickland use d’un symbole de vanité pour, à la fois, montrer l’emprise séductrice opérée par la société ultra-consumériste et la complicité passive des client·es ne résistant pas à la tentation. Leur faiblesse face au chant de ces sirènes appelle une rétorsion à la valeur métaphorique transparente : elle encourage le consommateur à se souvenir de la manière dont ses vêtements sont fabriqués — et lui rappelle que ceux-ci devraient plus souvent avoir une couleur sang, l’industrie de la mode n’étant pas connue ni pour ses bonnes pratiques environnementales, ni pour sa politiques sociale. Une morale des plus décroissantes pour ce qui s’apparente à une version d’épouvante de la fantaisie d’Alex van Warmerdam La Robe(1996).

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