Comédrame / Un adolescent solitaire s'appuie sur le fantôme de son aîné pour s'affirmer aux yeux de ses camarades, de la fille qu'il convoite et de son père qui l'ignorait, perdu dans le deuil de son fils préféré. Une brillante première réalisation signée par le coscénariste de Mon Inconnue.
Ado introverti ayant toujours subi l'aura solaire de son frère Léo, Tom fait sa rentrée dans un nouveau lycée. Heureusement, Léo est là pour lui prodiguer encouragements et conseils. Sauf que depuis un accident de la route fatal à Léo, celui-ci n'existe plus que dans la tête de Tom...
On ne divulgâche rien en dévoilant d'entrée le fait que Léo est ici un personnage imaginaire, puisque Benjamin Parent s'arrange pour lever toute ambiguïté à ce sujet dès la minute 18. Tout l'enjeu de son film n'est pas de fabriquer un mystère à la Shayamalan pour le public, mais d'inclure ce dernier dans la névrose de son héros ; de lui faire partager les affects d'un adolescent mal remis d'un traumatisme et croyant trouver par cet expédient le chemin de la résilience.
Mon frère, ce halo
Comédie, drame ? Disons dramédie bien tempérée, ce qui constitue un tour de force : rares sont en effet les films hexagonaux capables d'aborder la question adolescente sans s'abandonner à des récits d'amourettes (La Boum), à des pitretries pathétiques (La Colle) ni fatalement plonger dans l'inquiétant pur hérité du Tour d'écrou, lorsque les enfants sont perçus par les adultes comme une entité menaçante — voir L'Heure de la sortie. Benjamin Parent place son écriture à la hauteur de ses personnages et donc principalement de Tom : il nous fait épouser le regard, le sentiment de déréliction, les doutes et la fragilité de ce jeune homme souffrant de ne pas se trouver conforme au modèle étouffant qu'a constitué Léo. Il le construit dans ses différences et sa singularité également, face à l'absence de regard du père (incarné par un terrifiant Laurent Lucas, égaré dans son monde) et à l'impuissance de la mère, enceinte d'un nouvel enfant (une Isabelle Carré de porcelaine).
Cette architecture ne tiendrait pas en équilibre s'il n'y avait cette complémentarité entre les jeunes interprètes : Thomas Guy et Benjamin Voisin forment une paire virtuelle d'une évidence folle, aussi dissemblables que complices ; quant à Tasnim Jamlaoui, dont le personnage cristallise les désirs de Tom, elle délivre les savantes nuances que l'évolution de son rôle exige. Un nouveau niveau vient peut-être de se débloquer dans le cinéma français...
Un vrai bonhomme de Benjamin Parent (Fr., 1h28) avec Thomas Guy, Benjamin Voisin, Isabelle Carré...