Après La Vallée des loups, Jean-Michel Bertrand poursuit son approche fascinée du Canis lupus. Il entreprend ici de suivre le parcours d'un individu subadulte, forcé de quitter sa meute d'origine pour fonder la sienne. Son voyage de plusieurs mois le mènera du sud des Alpes jusqu'au Jura...
Carnet de notes d'un naturaliste opiniâtre à la voix râpeuse, cette longue et patiente marche est construite comme une aventure en solitaire, un éloge de la nature autant que des loups. Jean-Michel Bertrand les suivant à distance, ceux-ci en sont un sujet “éloigné“ ; un prétexte pour les évoquer avec le renfort de belles images au drone et d'une B.O. signée par l'incontournable Armand Amar. À mille lieues toutefois avec du regard romantico-anthropomorphique que Nicolas Vannier porte sur le monde animal : le didactique cinéaste-randonneur préfère expliquer les interdépendances animales garantissant l'équilibre d'un écosystème ou déplorer la mauvaise réputation dont le loup a hérité depuis le moyen âge... Dommage qu'il ne donne pas assez d'éléments tangibles permettant de répondre aux éleveurs se plaignant des attaques — et qui constituent le principaux ennemis de ces canidés.
En revanche, lorsqu'il explique comment les espèces prédatrices régulent naturellement leur population sur un territoire, sans “aide extérieure“, il flingue l'argumentaire des chasseurs abritant leur passe-temps sanguinaire derrière une “nécessité“... Étonnamment, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a fait bénéficier les associations de nemrods de ses largesses depuis l'élection de Laurent Wauquiez à sa tête, a coproduit ce film. Adouber le propos de Jean-Michel Bertrand répond-il à une bienvenue volonté de rééquilibrage, ou bien témoigne-t-il d'une forme de schizophrénie, voire d'incohérence idéologique caractérisée ?
De et avec Jean-Michel Bertrand (Fr., 1h28) documentaire