"Radioactive" : Brillante fusion

Evocation indirecte des lois de l’attraction et du magnétisme, "Radioactive" dépeint simultanément les atomes crochus entre Pierre et Marie Curie ainsi que les propriétés de ceux qu’ils mirent en évidence. De la science, des frictions et le regard de Marjane Satrapi.

Paris, aube du XXe siècle. Jeunes scientifiques assoiffés de savoir, Marie Skłodowska et Pierre Curie s’allient au labo comme à la ville pour percer le mystère de la radioactivité. De cette union naîtront, outre deux enfants, d’inestimables découvertes, des Prix Nobel, ainsi qu’une certaine jalousie teintée de haine xénophobe et machiste, Marie étant polonaise…

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Aux premières images de Radioactive montrant Madame Curie au soir de sa vie s’effondrant et se remémorer son existence par flash-back façon Les Choses de la vie, on s’inquiète un peu. Marjane Satrapi aurait-elle succombé à cette facilité du biopic hagiographique, ces chromos animés surglorifiant des célébrités ? Heureusement, non : la Madame Curie dont elle tire ici le portrait en s’inspirant du roman graphique de Lauren Redniss va se révéler bien différente des images déjà connues : moins fofolle que celle vue par Jean-Noël Fenwick (Les Palmes de M. Schutz), plus nuancée que la Femme honorable de François Giroud ; bref, complexe et vivante, loin de la statufication. Têtue et parfois cassante — qualités fort utiles pour affronter les barbons et les lazzis de son époque…

Projection de matière(s)

Le personnage de Marie Curie constitue ici la partie nucléaire de la narration, des bribes de récit gravitent autour d’elle pour former occasionnellement des extensions “hypertextuelles“ s’échappant de la stricte linéarité chronologique. Judicieuse idée que ces séquences indépendantes montrant la postérité de la scientifique à travers ses découvertes, comme la redoutable diversité de leurs applications : Hiroshima, Tchernobyl ou la curiethérapie… Traitées avec la grandiloquence superbe de visions prophétiques, préparant également un moment d’onirisme surréaliste, ces séquences sont celles où le talent plastique de Marjane Satrapi peut s’exprimer dans toute sa dimension, contaminant esthétiquement l’écran alors qu’il demeure sagement contenu dans le reste du film — à l’image du flacon iridescent de radium que Marie Curie conserve en permanence à ses côtés.

Irréductible à une seule lecture (féministe, sentimentale, scientifique, artistique, épistémologique…), Radioactive compose la bande-annonce du XXe siècle naissant ; ce passage à l’âge de la complexité exponentielle et de la convergence absolue. Un moment décisif — alchimique — que la théorie de la relativité viendra renforcer. Mais ceci est une autre histoire…

Radioactive de Marjane Satrapi (Grande-Bretagne, 1h50) avec Rosamund Pike, Sam Riley, Aneurin Barnard…

Projection du film le lundi 9 mars à 20h au Méliès Saint-François, dans le cadre du festival It's a Wo.Man's Wo.Man's World, suivie d’un temps d’échange avec Ana Cameirão professeure, ingénieure-docteure en génie des procédés, spécialiste en cristallisation industrielle.

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