Correspondances : Les Pages d'Agnès

Jeune photographe, Agnès Varda avait en 1955 visité et immortalisé par quelques clichés le Palais Idéal. Celui-ci lui rend son hommage en lui consacrant un triptyque d’expositions dont la première s’admire en ce moment, en toutes lettres…

Fécondes sont depuis toujours les noces entre les artistes et le Palais Idéal. En particulier ceux et celles dont l’originalité ne souffre pas de frontière ni ne conçoit rien d’impossible. Picasso, Breton, Lee Miller, Éluard, Max Ernst ou Neruda sont ainsi tombés sous le charme de l’étrange édifice quand une masse objectait encore des atrocités sur cette œuvre spontanée. Entre eux, les artistes se reconnaissent, s’inspirent et nouent naturellement d’osmotiques correspondances. Pour les développer, le Palais Idéal accueille depuis une quinzaine d’années dans son enceinte (où il dispose d’un espace muséographique flambant neuf, en sus de la Villa Alicius) ainsi que dans le Château de Hauterives, des expositions en résonance, vibration ou capillarité artistique avec l’univers du facteur. Inventive, fantasque et pluridisciplinaire, la regrettée photographe-cinéaste-plasticienne Agnès Varda a les honneurs des lieux pour non pas une, mais trois expositions, dont la première actuellement visible, porte avec justesse et sobriété le titre de Correspondances.

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Tournée géniale

Les points de convergences entre Agnès et Ferdinand ne manquent pas : inlassables constructeurs d’une œuvre unique dont ils furent les précurseurs (l’une de la Nouvelle Vague, l’autre d’un courant architectural naïf), ils vouaient pour des raisons diverses un attachement particulier à l’acte épistolaire. Nul besoin d’en dire plus pour Cheval, facteur rural de son état ; pour Agnès en revanche, écrire ou recevoir du courrier procédait d’une cérémonie entre l’intime et l’extime — n’a-t-elle pas, à de nombreuses reprises dans ses fictions ou documentaires, représenté des missives et des facteurs à l’écran ? Échangeant avec des spécialistes du mail art ou du m@il art que sont Kikie Crêvecour ou Chris Marker, conservant les plis de ses expéditeur célèbres (Calder…) ou anonymes, collectionnant les cartes postales thématiques (les “Pensées“, les “Annonciations“…), allant jusqu’à entretenir une correspondance forcément univoque car posthume avec son défunt époux Jacques Demy (à l’adresse du cimetière du Montparnasse !), cette archiviste du quotidien faisait de la conversation scripturaire une relation merveilleuse qui, en ces temps de « distanciation sociale » stupéfie par sa actualité.

Le simple fait de parcourir des yeux les (bons) mots tracés de la main d’Agnès ; sa graphie régulière scandée de notes humoristiques ou de remarques insolites et poétiques, prouvent que l’écrit possède cette faculté de ressusciter — un peu — les absents. Autant que la parole, puisque sa voix s’entend dans une autre section de l’exposition [dont l’accès est encore temporairement restreint à la date où nous rédigeons] : la Villa Alicius présente une partie des installations réalisées dans la foulée des Glaneurs et de la Glaneuse (2000) tel le fameux costume de patate revêtu par la cinéaste.

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Voyage dans la boîte aux lettres/boîte aux souvenirs d’Agnès, cette intelligente première approche n’oublie pas les philatélistes, qui découvriront la genèse du timbre Jean Vilar (2001), issu d’un portrait photographique signé en 1953, ou encore comment un cliché d’une Portugaise marchant sous une affiche de Sofia Loren est devenu un best seller au rayon cartes postales… Femme affranchie, artiste malicieusement timbrée, factrice de cinéma, Agnès Varda se retrouve ici dans toute sa multiplicité. Vivement les suites !

Jusqu’au 6 septembre

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