Comme beaucoup de responsables d'institutions culturelles, Frédéric Legros se souviendra du printemps 2020 comme d'une saison non en enfer, mais au purgatoire. Le directeur du Palais Idéal du facteur Cheval se projette néanmoins avec confiance dans l'avenir...
Comment s'est déroulée votre réouverture ?
Frédéric Legros : Pour tout vous dire, nous nous attendions à rouvrir en juin. Et au cours d'une conférence de presse, le préfet de la Drôme a annoncé qu'il invitait les musées et différentes structures du département à rouvrir au public, dont le Palais Idéal — seule structure nommément citée. On a donc accéléré le travail en cours sur le protocole de réouverture qui passait notamment par la mise en place d'une billetterie en ligne et d'un système de réservation, ce qui n'avait jamais existé au Palais. On l'avait prévu pour juin afin de gérer les flux, et au final on a travaillé deux fois plus vite pour être prêts. Mais c'était plutôt heureux d'avancer dans ce sens.
D'autant que ça été vécu vraiment comme une bonne nouvelle, et un très bon signe. La semaine dernière j'ai fait une réunion en visio avec les différents partenaires de la Communauté de commune — 39 communes entre l'Ardèche et la Drome — et tout le monde était hyper content d'apprendre la réouverture du Palais. Après deux mois de confinement à travailler sur l'ouverture, j'avais un peu oublié le monde autour, même si je pensais beaucoup aux restaurateurs de Hauterives. Et puis, après le week-end de l'Ascension, beaucoup de gens nous ont dit que ça leur faisait du bien de revoir du monde circuler dans la ville. Et des gens ont dit dans un article du Parisien qu'ils se sentaient en sécurité dans le site. Ça reprend son cours...
Concrètement, quelles sont les conséquences sur l'accueil du public outre la limitation horaire du nombre de visiteurs ?
Actuellement, on nous demande d'avoir des sens de circulation, ce qu'on a pu mettre en place au Palais et presque partout dans l'exposition Agnès Varda. Celle-ci est partiellement ouverte : la maison du facteur, la Villa Alicius, est trop petite et ne permet pas d'avoir de sortie. Pour les mêmes raisons, la galerie basse du Palais, est fermée : les normes que fixait la Préfecture étaient trop colossales. En attendant juin...
Parmi les autres conséquences immédiates, votre programmation estivale est directement touchée...
Après une hésitation et une longue discussion avec la mairie, on a choisi de tout reporter sur l'année prochaine. Normalement, tout devrait se faire — les dates ont été bloquées, on est en train de signer les contrats pour les renouveler. Ça n'a pas été la partie la plus enthousiasmante de ces deux mois. L'autre grosse conséquence, le report à 2021 de l'exposition que nous proposons au château de Hauterives chaque été, et qui était déjà bien avancée. On l'a décidé très vite, au tout début du confinement, avant même de décaler les concerts. Cette exposition est en effet consacrée à Claude Lévêque, l'un des très grands artistes français, qui autant travaillé sur la Pyramide du Louvre qu'à l'Opéra Garnier ou à la Bastille, entre autres grands bâtiments de Paris. C'était génial de l'avoir, on était super heureux de l'envergure de projet mais il demandait trop d'énergie et représentait un investissement risqué pour la Commune, surtout si on n'ouvrait qu'un mois. D'autant qu'on aurait été incapables de communiquer et d'accueillir du public au château avec les normes actuelles. C'était triste pour tout le monde, c'était triste pour nous, c'était triste pour l'artiste, mais quand on l'a appelé pour lui dire qu'on la repoussait d'un an, lui-même était soulagé.
Avez-vous pu mettre ces deux mois d'éclipse à profit ?
Il y a eu de petites phases de désarroi — liées d'annulations ou de reports de projets. Mais cela m'a aussi laissé beaucoup de temps pour faire des recherches que je n'avais jamais eu l'occasion de faire sur le facteur et les gens qui sont venus au Palais. Et nous avons fait de très belles découvertes qui vont sûrement donner lieu à de nouveaux projets. Pour cela, c'était très positif.