"Canción sin nombre / Nuestras Madre" : L'une sort en salle, l'autre pas

"Canción sin nombre" de Melina León (Pér.-Esp.-É.-U., 1h37) avec Pamela Mendoza, Tommy Párraga, Lucio A. Rojas... (en salles) "Nuestras Madres" de César Diaz (Gua.-Bel.-Fr., 1h17) avec Armando Espitia, Emma Dib, Aurelia Caal... (en SVOD)

Tous deux figuraient à Cannes l'an dernier : le premier à la Quinzaine des réalisateurs, le second à la Semaine de la Critique où il a ravi la Caméra d'Or. Dévolue au meilleur premier film de la compétition toutes sections confondues, cette prestigieuse distinction ne l'exonère pourtant pas d'une sortie directe en SVOD tandis que l'autre, à peine une semaine sur les écrans avant le confinement, renoue avec les salles. Aussi dissemblables par leur destinée que leur facture ou leur approche esthétique, Canción sin nombre / Nuestras Madres ont beaucoup en commun, à commencer par leur inscription spatiale (l'Amérique latine) et donc, historique (les années 1980).

Car même si Nuestras Madres se situe de nos jours, il se déroule réellement dans le passé puisque le protagoniste y est un anthropologue de médecine légale identifiant les dépouilles de victimes de la guerre civile guatémaltèque, lui-même orphelin de père et d'une mère torturée par le pouvoir d'alors. Un régime dont on sait qu'il pratiquait l'enlèvement d'enfants — Carmen Maria Vega en est l'exemple vivant — comme le Pérou à la même époque, ainsi que nous l'apprend Canción sin nombre où une jeune villageoise désargentée accouche dans une fausse clinique qui disparaît avec son bébé. Il faudra l'intervention d'un journaliste pour révéler un trafic mafieux d'enfants à destination de l'étranger...

Dans les deux cas, l'oppression politique s'exerce sur et à travers la personne (le corps) des femmes, violant leur intimité et/ou leur procréation ; infligeant des blessures impossibles à cicatriser et légitimant cette résurgence synchrone de la parole, trente ans plus tard. Les deux films, enfin, évoquent en parallèle la trajectoire de ces guérilleros issus des campagnes luttant avec leurs moyens misérables contre un État inique, défaillant ou dictatorial. Alors que l'on soit au cinéma face au semi-mélo suresthétisé en noir et blanc de Melina León ou chez soi devant au semi-thriller à twist de César Diaz, une chose est sûre : on se trouve bien aux prises avec la même Histoire.

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 9 mai 2023 Itinéraire parallèle de deux jeunes membres de la tribu des Oglalas Lakotas tentant d’échapper à la marginalité, War Pony de Gina Gammell & Riley Keough a conquis les jurés de la Caméra d’Or l’an passé. Alors que se profile le nouveau Festival...
Mardi 29 mars 2022 Né sous les auspices de la Cinéfondation cannoise, coproduit par Scorsese,  Murina est reparti de la Croisette avec la Caméra d’Or. Une pêche pas si miraculeuse que cela pour ce premier long métrage croate brûlé par le sel, le soleil et le désir de...
Lundi 22 juin 2020 Un jeune couple pris au piège dans une maison-témoin diabolique doit élever jusqu’à l’âge adulte un bébé tyrannique comme tombé du ciel. Une fable de circonstances, entre Le Prisonnier, La Malédiction et le mythe de Sisyphe.
Mercredi 13 novembre 2019 Et si le bonheur de l’Humanité se cultivait en laboratoire ? Jessica Hausner planche sur la question dans une fable qui, à l’instar de la langue d’Ésope, tient du pire et du meilleur. En témoigne son interloquant Prix d’interprétation féminine à...
Mercredi 23 octobre 2019 De Marco Bellocchio (It.-Fr.-All.-Br., avec avert. 2h31) avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane…
Mercredi 23 octobre 2019 Un intérimaire se lance dans l’entrepreneuriat franchisé avec l’espoir de s’en sortir… précipitant sa chute et celle de sa famille. Par cette chronique noire de l’ère des GAFA, Ken Loach dézingue toujours plus l’anthropophagie libérale. En...
Mercredi 2 octobre 2019 De Mati Diop (Fr.-Sén.-Bel., 1h45) avec Mama Sané, Amadou Mbow, Ibrahima Traore…
Mardi 3 septembre 2019 Après Aquarius, Kleber Mendonça Filho s’associe à Juliano Dornelles pour livrer une fable picaresque futuriste, entre "Les Chasses du Comte Zaroff" et "Les Aventures d’Astérix" version brésilienne. Corrosif, sanglant et… visionnaire ? Prix du Jury à...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X