Jacques Weber : « C'est la culture qui fait de nous des Hommes »

HUGO AU BISTROT

La Passerelle

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Entretien / Début novembre, Jacques Weber propose de redécouvrir Victor Hugo, à Saint-Just Saint-Rambert. Rencontre avec l’un des plus grands hommes de théâtre de son temps… Et peut-être même plus.

Avec ce spectacle, vous mêlez un peu toutes les facettes de Victor Hugo, en proposant des lectures de ses textes, lettres, discours, poèmes, romans… Qu’est ce qui vous en a donné envie ?

Tout a démarré en 2017, pendant la campagne présidentielle. J’ai constaté que de nombreux candidats citaient Hugo, et j’ai essayé de comprendre pourquoi. Le style épique d’Hugo, son lyrisme, ont ceci d’extraordinaire qu’ils parviennent à faire passer toutes ses idées, et condamnent de fait celui qui écoute à la réflexion. Et puis… J’avais aussi envie de dépiédestaliser cet homme, de le mettre à la portée de n’importe quelle oreille. Donc, je l’ai emmené dans ces endroits pleins d’humanité que sont les bistrots. Des endroits où l’on commente, où l’on s’amuse, où l’on discute.

Emmener Hugo au bistrot, c’est aussi permettre à des tas de gens qui ne vont pas au théâtre de le redécouvrir…

Il ne faut pas avoir de prétention là-dessus, en se disant qu’on va voir des foules se déplacer. Je crois qu’en France, 1% de la population seulement va au théâtre… Mais oui, d’une certaine manière, on peut malgré tout continuer à espérer que cette proportion puisse augmenter. D’ailleurs, après avoir joué dans les bistrots, on se retrouve finalement au théâtre, où l’enjeu est de parvenir à garder la même proximité avec le public.

Est-ce une manière de dire aussi « lorsque ça ne va pas, il peut être utile de se tourner sur ce qu’ont fait et dit de grands Bonhommes avant nous » ?

Je crois que j’ai finalement passé l’âge, de penser aux vertus pédagogiques du théâtre. Encore une fois, il faut savoir appréhender tout cela avec modestie. Lorsque je lis Hugo, cela me prend tellement à la gorge que la première envie que j’ai est de le partager, et de prendre du plaisir à le partager. Si le public en prend lui-aussi, alors, sans doute y aura-t-il ensuite une place chez chacun pour la réflexion.

Lorsque je lis Hugo, cela me prend tellement à la gorge que la première envie que j’ai est de le partager

Aujourd’hui, les salles de spectacles ne semblent pas menacées de fermeture. Pensez-vous que le gouvernement ait compris qu’une société ne peut pas se passer de culture ?

Je pense que tout ceci vient finalement de beaucoup plus loin. Nous avons été l’un des premiers pays à mettre en place un ministère de la Culture. Mais après l’investissement de Mitterrand et de Jack Lang, plus aucun candidat n’a jamais donné à la culture une place de choix dans son programme. Pourtant, c’est bien la culture, qui fait de nous des Hommes, c’est bien elle, qui nous distingue de l’animal ! Alors, est-ce que le gouvernement a finalement compris quelque chose ? Je crois surtout qu’il pédale dans la choucroute, et que son hésitation trouble tout le monde.

Malheureusement, jusqu’ici, nous restons dans un monde gouverné par un discours électoraliste sans saveur. Monde d’après mon cul !

Jacques Weber, vous êtes un homme guidé par un inépuisable esprit de liberté. Comment vivez-vous notre époque ?

Je suis inquiet, perplexe, perturbé. Car le système le moins pire que l’on semblait avoir trouvé pour vivre en société est en train d’accoucher de véritables monstres. Trump, ou Bolsonaro, sont des avatars du principe démocratique, ils ont été démocratiquement élus. C’est très inquiétant car on prend conscience que, lorsqu’une journée de travail est tellement éreintante qu’on en sort totalement abruti, on n’a pas le temps pour penser, on se coupe de la connaissance, et on en vient à voter pour des gens comme eux. Par ailleurs, je pense que nous devons absolument comprendre que nous ne sommes plus juste des Français - d’ailleurs, il faudrait m’expliquer ce que l’on entend par là. Nous sommes désormais des terriens, et la fraternité mondiale ne doit plus être une utopie. D’ailleurs, l’homme ne doit plus être considéré comme au centre de la vie. Le monde animal, le langage des plantes, la possibilité de vivre en harmonie avec cela est porteur d’espoir. Malheureusement, jusqu’ici, nous restons dans un monde gouverné par un discours électoraliste sans saveur. Monde d’après mon cul ! Pardonnez-moi l’expression, mais il n’y a finalement pas eu de monde d’après, on poursuit sur le chemin des inégalités épouvantables et de la non-fraternité…

Hugo au Bistrot, vendredi 6 novembre à la Passerelle de Saint-Just Saint-Rambert

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 6 septembre 2022 Une femme aimante et disponible, un mari charmant et brillant : que pourrait-il arriver à ce couple en apparence parfait ? C’est l’intrigue qui rythme (...)
Mardi 26 avril 2022 Plus on progresse, plus on se fait du mal et plus on se tue, à petit feu. Avec Bienvenue dans l’espèce humaine, Benoît (...)
Mardi 26 avril 2022 On évolue tous avec le temps. On grandit, on comprend, on change. Qu’en est-il de notre débarras ? Lieu de la cachette par (...)
Mardi 26 avril 2022 Gerard Watkins revisite le chef-d’œuvre shakespearien à travers le prisme des sixties : pantalons pattes (...)
Mardi 26 avril 2022 Hugo, 23 ans, étudiant en sciences humaines, oscille entre ses origines algériennes et françaises. Lorsque sa mère le (...)
Mercredi 30 mars 2022 On l’a compris : après les rayons de soleil et les terrasses de la semaine passée, ce week-end, il va falloir ressortir les moufles et les doudounes. Désespérant ? Un peu… Mais pas au point de ne pas bouger du canapé !
Mardi 29 mars 2022 Par Sibylle Brunel. Quand les petites bêtises entrainent les grosses, il est difficile de prouver que l’on peut encore répondre à la norme. A-t-on seulement (...)
Mardi 29 mars 2022 Notre civilisation s’effondre, tous les scientifiques le disent. Oui mais alors… Que faire ? Vaste sujet, pourvu que l’on (...)
Mardi 1 mars 2022 Le mois de mars sera une fois encore tout feu tout jazz à Montbrison, avec une programmation faisant la part belle aux jazz women : Léa Castro, Mélanie (...)
Mardi 1 mars 2022 Du coup de foudre au coup du destin. Se rencontrer, s’enticher, s’aimer, s’installer, puis vouloir donner la vie… Et ne pas pouvoir. Confrontés à cette (...)
Mardi 1 mars 2022 Inspiré du roman Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar d’Antoine Choplin, Václav​ et Tomas met en scène la dissidence, la résistance, le combat, le (...)
Mardi 1 mars 2022 « Pardonnez mon retard… On va tous mourir ». Parce que le tri sélectif risque de ne pas suffire, la fin de l’espèce humaine est peut-être (...)
Mercredi 2 février 2022  Après une première moitié de saison d’une densité inédite, les théâtres attaquent 2022 sans baisser de rythme. Les six mois à venir seront riches comme rarement de découvertes et de grandes figures pour se clore sur la venue d’Ariane...
Mardi 1 février 2022 « Les premières nuits, tu ne dors pas ». Et puis après… Ca devient ta vie, d’être dans la rue, tout le temps. Un matin, l’homme seul se réveille, et (...)
Mardi 1 février 2022 On va le dire d’emblée : il s’agit sans doute de l’un des spectacles les plus puissants qu’il sera possible de voir cette année. Une gifle ? (...)
Mardi 1 février 2022 Formé à l'école stéphanoise des Beaux-Arts au milieu des années 90, Moko Vey a repris les pinceaux en 2015 après 10 années passées dans le domaine audiovisuel. (...)
Mercredi 12 janvier 2022 Dans "Le Jeu des ombres", pensée pour la cour d’honneur du festival d’Avignon 2020 annulé, Jean Bellorini, avec Valère Novarina et Monteverdi, embrasse en musique et en mots, le monde des morts, plus vivant qu’on le croit.
Mardi 4 janvier 2022 Dans un monde en chute libre, où chacun surveille l’autre autant qu’il est surveillé lui-même, il en est qui (...)
Mardi 4 janvier 2022 A Rome, l’empereur Claude est mort. Plutôt que son fils Britannicus, c’est Néron, le fils de sa dernière épouse (...)
Lundi 3 janvier 2022 Pour sa 19ème édition, le festival montbrisonnais Les Poly’Sons monte en puissance avec une riche et belle programmation qui, durant un mois entier, met à l’honneur la chanson francophone. Voici nos deux coups de cœur.
Lundi 3 janvier 2022 Après de nombreux mois de réflexion, réunions, concertations, la création d’un tiers-lieu à l’endroit de l’ancien Nouveau Théâtre Beaulieu est désormais actée. Si nombre de questions restent encore en suspens, on en sait plus sur les activités...
Mardi 30 novembre 2021 « - Il fallait en finir. - Mais pourquoi ? – Parce qu’on n’était rien. » Il et Elle vivent avec (...)
Mardi 30 novembre 2021 A la croisée du cirque et de la danse, la compagnie Recirquel, pionnière du cirque contemporain en Hongrie, livre avec My Land une (...)
Mardi 30 novembre 2021 Il y a le conflit, et puis, il y a les conséquences du conflit. Celles que l’on voit : occupation des terres, du ciel, des (...)
Lundi 25 octobre 2021 C’est le genre d’événement devant lesquels on pourrait se dire « ma foi, ça ne nous rajeunit pas ». Et pourtant. A voir le programme concocté par (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X