Le ciné est-il dans son assiette ?

Panorama ciné septembre / De la guerre, de l'exil, de la lutte, de l'oppression et de la mort au programme du mois de septembre. Oui, mais on se met aussi à table ; alors ça va...

Résonance

En entrée, ça commence fort : candidat malheureux à l'Oscar du film étranger au printemps dernier, La Voix d'Aida de Jasmila Žbanić (22/09) va trouver dans l'actualité afghane un stupéfiant écho dramatique. Le film se déroule en effet lors de la chute de Srebrenica en 1995, quand l'ONU laisse la ville aux mains de Mladic. On y suit la course folle d'Aida, interprète pour les Casques Bleus, tentant d'exfiltrer son mari et ses fils alors que la milice se rapproche. Le film glace les sangs, par son tragique (et hélas historique) suspense, transmettant l'étouffement progressif saisissant Aida. Respectueux des victimes, il rappelle la réalité des épurations ethniques comme la fragilité de la paix.

Sur une thématique voisine mais dans un traitement fort différent, La Traversée de Florence Miailhe (22/09) relate sous forme de conte atemporel l'exil de Kyona et Adriel, sœur et frère tentant de gagner un pays plus tolérant. Une route semée d'embûches, inspirée par l'histoire familiale de la réalisatrice et mise en images comme à son habitude en... peinture sur verre. Au-delà du travail de bénédictin qu'il représente et de l'esthétique hors normes de ce projet, sa portée symbolico-philosophique en fait d'ores et déjà un futur classique.

Combats

Restons dans les questions de ségrégation avec Candyman de Nia DaCosta (22/09), suite du film d'épouvante homonyme des années 1990, où un peintre noir en manque d'inspiration découvre la “légende urbaine” du tueur au crochet du quartier populaire de Cabrini Green, désormais gentrifié. Cette habile résurrection par Jordan Peele du script initial fait du Candyman une sorte d'avatar protecteur de la communauté noire opprimée (lui permettant d'obtenir par le sang réparation pour les avanies subies) et tresse avec adresse sociologie, superstition et codes fantastiques — avec plus de subtilité que Spike Lee. Plus ouvertement militant s'avère I Am Greta de Nathan Grossman (29/09), tourné au plus près de la lycéenne suédoise Greta Thunberg, ce documentaire bienveillant sans être hagiographique (il rend aussi compte des critiques qui lui sont adressées), l'accompagne dès l'aube de son combat pour le climat. Difficile après de douter de la sincérité de son engagement ou de son libre-arbitre ; on devine en revanche que ses épigones étrangères sont davantage guidées par l'opportunisme et l'ambition personnelle...

Fin et faim

Une bouffée d'espoir, à présent ? Oubliez : la mort s'invite sur les écrans. Celle choisie par les malades incurables, notamment dans Supernova de Harry Macqueen (08/09), où l'on suit le road trip d'un couple d'amants, initié par le premier (Stanley Tucci en écrivain atteint de démence sénile) sous le prétexte que le second (Colin Firth en pianiste) aille donner un récital. La balade romantique mute en pré-apprentissage du deuil dans un film traitant son sujet avec élégance et pudeur.
Même combat dans Tout s'est bien passé de François Ozon (22/09) tiré du récit Emmanuèle Bernheim, où André Dussollier campe un père diminué par un AVC priant sa fille (alias Sophie Marceau) de l'aider à mourir. Nul doute qu'il y a là une composante affective pour Ozon — dont la feue Emmanuèle fut proche collaboratrice. Son film est ainsi un cénotaphe gigogne, un cadeau fait aux comédiens autant qu'une voix en faveur du choix de mourir dans la dignité.
After Love de Aleem Khan (29/09) aurait pu être lui aussi signé Ozon : cette histoire d'une veuve britannique ayant appris que son mari entretenait une autre existence à Calais et parvenant — fortuitement — à s'immiscer dans le foyer français, recoupe toutes les thématiques chères à l'auteur de Sous le sable. Une première réalisation trans-Manche qui mérite le détour.

Enfin, pour la bonne bouche, et ne pas être plombé, évoquons Délicieux de Éric Besnard (15/09), relatant en 1789 une révolution insoupçonnée : la création d'un des premiers restaurants par un cuisinier de génie congédié par un noble capricieux. Éloge de la gastronomie à l'image aussi léchée que les cuillers et casseroles utilisées pendant le tournage, ce film ponctué de natures mortes (et de quelques anachronismes) ne doit surtout pas se voir... mort de faim. Bon appétit.

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