Portraits de femmes

Théma / Marquée par la féminisation des palmarès internationaux (qu’on espère plus structurelle que conjoncturelle), cette année cinéma 2021 donne à voir une vaste galaxie de personnages féminins dans des œuvres d’autrices comme d’auteurs. C’est cela aussi, la parité…

Entamons ce tour d’horizon avec Petite Sœur (06/10) signé par les Suissesses Véronique Reymond & Stéphanie Chuat, qui suit la relation entre un comédien gravement malade et sa jumelle, dramaturge persuadée qu’un retour sur scène aura des bienfaits thérapeutiques. La gravité de ce drame intime, viscéral, riche en non-dits et où le deuil se fabrique en direct, est tempérée par une distribution de luxe : les polyglottes et fusionnels Nina Hors/Lars Eidinger, enfants d’une Marthe Keller azimutée, croisent Thomas Ostermeier… On tient là un film précieux, d’une douloureuse beauté.

Deux sœurs et une mère sont au centre de Freda de Gessica Geneus (13/10). Terriblement d’actualité, cette chronique de Port-au-Prince montre l’héroïne-titre cherchant à s’affranchir de la misère par l’instruction, malgré le saccage de l’institution universitaire, tandis que sa cadette, poussée par sa mère semi-maquerelle, s’engage dans un mariage trop beau pour être vrai. Sans afféterie ni complaisance, ce film brut — où la place de la langue (créole ou française) a une redoutable importance — résume la confusion d’un pays dévasté par les calamités et la corruption, plongé dans un vrac systémique.

Autre format mais famille toujours : le doc Leur Algérie (13/10) que Lina Soualem (fille de Hiam Habbas et Zinedine Soualem) consacre à ses grands-parents paternels venus d’outre-Méditerranée pour travailler à Thiers et qui après plus d’un demi-siècle d’union ont divorcé… pour vivre dans des appartements voisins. Au-delà du portrait tendre de personnages truculents et touchants, la cinéaste effectue un voyage dans la mémoire familiale, pauvre en archives, tendant vite à l’universalité — les deux aïeux étant représentatifs de leur génération.

Politique, n.f.

Retour au bercail avec Debout les femmes ! (13/10) qui voit François Ruffin & Gilles Perret reprendre la route à l’occasion de la mission parlementaire du premier sur les « métiers du lien » (généralement exercés par des femmes). Bonne surprise, ce documenaire diverge de leur précédent ciné-tract opportuno-propagandiste, J’veux du soleil ! en étant nourri ab ovo de la contradiction idéologique portée par Bonnell (co-rapporteur de la mission) mais aussi d’accidents ou imprévus (la crise sanitaire) : ce n’est plus un pamphlet politicien, mais un film politique au sens plein, comme La Sociale jadis. Malgré sa fin — une théâtralisation malaisante des intervenantes dans une assemblée en carton — il prouve qu’un dialogue parlementaire transpartisan fonctionne encore, heureusement.

Tout aussi politique s’avère La Fracture de Catherine Corsini (27/10) qui narre la rencontre improbable entre un routier fort en gueule et une bourgeoise capricieuse (oui, on touche à des stéréotypes) dans un service des urgences, alors que le mouvement des Gilets jaunes bat son plein, que la police est aux portes d’un hôpital public aux services épuisés. Une photographie à 360° d’un “moment“ social dans un lieu essentiel où se joue dans un quasi temps réel une comédie humaine, tellement réaliste qu’elle en devient fatalement tragique. Une réussite.

Un autre creuset social sert de décor à Las niñas (27/10) : un collège catho de filles du début des années 1990 d’une Espagne encore sous le joug d'une morale rétrograde, alors que la jeunesse aspire à la liberté. Pilar Palomero filme ce moment de bascule coïncidant avec l’adolescence de ses héroïnes, dans un mixte de nostalgie pour l’insouciance enfantine et de consternation face à la rigidité conservatrice des mœurs d’alors. Et sans doute la crainte qu’on revienne en arrière…

On conclura avec l’étonnant Les Amants sacrifiés (27/10), qui derrière la promesse romanesque de son titre désuet abrite un film risquant de déconcerter celles et ceux qui prisent la bizarrerie chez Kiyoshi Kurosawa : le cinéaste s’inspire ici en effet du drame d’un couple de Japonais ayant cherché à dénoncer auprès de l’Occident les crimes de son pays durant la Seconde Guerre mondiale. Amour, amitiés, confiance, trahison, tortures, rebondissements sont magnifiés dans ce mélo d’espionnage raffiné. Il faut toujours finir en beauté…

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