Décembre au cinéma / Riche de ses cinq mercredis (et donc d'un nombre de sorties lui conférant un profil d'oie farcie du réveillon), le mois de décembre tient du super calendrier de l'avent, qui distribuerait encore ses surprises après Noël. Dont certaines, excellentes...
Nature et coucheries. Voilà, à gros traits, les deux principales thématiques du mois, avec toutefois quelques notables exceptions — à l’instar des deux films iraniens, Le Diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof (01/12) et Un héros de Asghar Farhadi (15/12). Ours d’Or 2020, le premier assemble quatre courts métrages ayant trait à la question de la peine de mort (et des liens plus ou moins souterrains entre eux), le second montre comment un pauvre bougre, contraint de revendiquer une bonne action qu’il n’a pas commise, voit son existence dévastée. Dans les deux cas, l’absurdité tragique de la société iranienne éclate, gangrenée de paradoxes et d’hypocrisie morale. Un peu plus à l’Est, Mamoru Hosoda livre avec son nouvel anime Belle (29/12) une nouvelle fable sur le hiatus entre le monde réel et son “double” — particulièrement d’actualité ici puisqu’il traite d’un métavers où une ado complexée et solitaire s’épanouit grâce à son avatar, icône de la pop. Même si l’on retrouve les thèmes chéris de Hosoda et l’impressionnante maîtrise graphique (payant son tribut à Satoshi Kon), on peut avoir le tympan fragilisé par les chansons…
Nature…
Révélé par Demain, Cyril Dion revient avec Animal (01/12) dans lequel il promène autour du monde deux ados militant en faveur de l’environnement à la rencontre de scientifiques, agriculteurs, éleveurs, politiques etc. afin d’illustrer leurs craintes et colères et démontrer globalement la co-dépendance de l’Homme en tant qu’animal dans un “grand tout”… À ranger dans la collection des documentaires concernants-mais-emplis-de-bonnes-ondes dont la surproduction actuelle mériterait une compensation carbone. La Panthère des neiges de Marie Amiguet & Vincent Munier (15/12) n’explore qu’un seul territoire, puisque c’est le making of du best seller de Sylvain Tesson, Prix Renaudot 2019 racontant la traque photographique du félin au Tibet. Le problème ici, c’est la logorrhée de Tesson dont la voix off meuble le silence d’extraits de son récit, nous privant de fait de la méditation de l’affût et des paysages. Dans Mystère de Denis Imbert (15/12), on touche à du plus classique avec une gamine dévastée par la disparition de sa mère, mais retrouvant goût à la vie en recueillant un chiot — sauf qu’il s’agit d’un louveteau et qu’on se situe en milieu rural parmi des éleveurs hostiles. Forcément, ça va coincer, mais ça se terminera bien…
Coucheries…
Avant de voir Tromperie d’Arnaud Desplechin (29/12), on a l’embarras du choix. Comme l’abstrait et abstrus The Cloud in Her Room de Xinyuan Zheng Lu (22/12), objet filmique chinois qui dissimule vraisemblablement une ou plusieurs histoires derrière une forme semi-expérimentale un brin tape-à-l’œil. On lui préférera le net et sans bavure Lingui, les liens sacrés de Mahamat-Saleh Haroun (8/12), où une mère tchadienne célibataire doit, contre ses convictions et la loi, aider son adolescente de fille à avorter. Elle ira même bien au-delà dans ce combat illustrant la situation des femmes : toujours en légitime défense face à l’emprise masculine. Deux comédies réussies avec Philippe Katerine encadrent décembre : le burlesque et virevoltant La Pièce rapportée d’Antonin Peretjatko (1/12) où il est un fils de famille benêt trompé par son épouse qui s’ennuie et Le Test, une course-poursuite familiale trépidante d’Emmanuel Poulain-Arnaud (29/12) où il trompe son épouse cette fois.
Malgré le risque de déjà-vu — annoncé en octobre, le film avait été déprogrammé —, on conclura avec l’étonnant Les Amants sacrifiés (08/12). Derrière la promesse romanesque de ce titre désuet se dissimule une histoire risquant de déconcerter celles et ceux qui prisent la bizarrerie chez Kiyoshi Kurosawa : le cinéaste s’inspire ici en effet du drame d’un couple de Japonais durant la Seconde Guerre mondiale ayant cherché à dénoncer auprès de l’Occident les crimes de son pays. Amour, amitiés, confiance, trahison, tortures, rebondissements sont magnifiés dans ce mélo d’espionnage raffiné. Il faut toujours (re)finir en beauté…