Street food / De bons artisans rencontrent des jeunes cuistots et paf !, ça fait de la cuisine qu'on mange avec les doigts. Et à la fin, un livre de portraits et de recettes, Street Food des Gones.
Lyon semble être devenue une place forte de la street food en France. Pour preuve, le Lyon Street Food Festival a encore accueilli cet automne quelques dizaines de milliers de visiteurs. Cela peut surprendre : manger en marchant n'est pas inscrit dans la tradition locale — un bouchon invite à s'attabler. Le récent succès de la street food doit donc être mis sur le compte de quelques acteurs qui s'échinent à rafraîchir la gastronomie d'entre Rhône et Saône.
Parmi ceux-ci, La Food Factory et La Buvette Lyonnaise, « dénicheurs de tendances culinaires », qui se sont associées pour auto-éditer ce livre. Bouquin qui tente justement de faire exister une nourriture de rue à l'accent rhodanien, telle qu'elle est servie à Food Traboule : on pense au grec d'andouillette ou aux frites de quenelles du stand La Meunière. L'idée, c'est que la street food ne peut être dite "lyonnaise" que si elle se réapproprie son héritage gastronomique et s'appuie sur les produits qui ont fait le renom de la région.
Le bio ce n'est que du blabla
L'ouvrage est organisé comme suit : on va à la rencontre d'un produit local, qu'un ou une cheffe se propose ensuite de cuisiner. Il débute par une visite chez Tiffany et Sébastien Bouhours, tripiers de la Croix-Rousse, avant de rejoindre Sonia Ezgulian, cuisinière et autrice, qui nous offre une recette de palais d'andouillette panés et frits, à manger avec les doigts et une sauce gribiche. Ce dispositif est fortement tributaire de la sélection d'artisans et de chefs. Et c'est ici que Street Food des Gones vise juste.
Côté producteurs, on retrouve Sylvère Trichard, gérant du domaine Séléné, qui vinifie un beaujo-villages sans chimie, qui raconte qu'il fut converti au vin nature notamment par feu Dominique Belluard, immense vigneron de Haute-Savoie. On retrouve la famille Boucher, qui fabrique de la Rigotte de Condrieu, et la famille Rochas, du Saint-Marcellin. On retrouve Lucien Devaux qui fait des cardons de Vaux, mais du côté de Courzieu, et explique que « le bio ce n'est que du blabla [...], il y a toujours un peu de produits dans les récoltes » alors que chez lui, « c'est nature, le fumier j'en mets beaucoup et ça suffit. » Ce dernier donne l'occasion à Hubert Vergoin, le chef de SO6, de justement faire une saucisse de ce cardon et de la servir en hot-dog. Car côté cuistots il y a aussi du beau ! Pêle-mêle : Massimo Monaco de Cocotte, Florian Remont du Bistrot du Potager, Marion Bohe du Desjeuneur, ou encore Pimousse, qui travaille ici une volaille de chez Tête Bech.
On en arrive aux recettes. Il ne nous viendrait pas personnellement à l'idée de faire notre propre saucisse, encore moins pour aller la manger dans la rue — c'est le caractère documentaire de l'objet qui nous a essentiellement plu. Mais certains seront intéressés de savoir qu'il y a dans ces pages trente recettes, qui chaque fois revisitent un classique : de la pizza au croque, en passant par le bao et le kebab, le huarache et les arancini. Sur le papier, le plat le plus convaincant vient peut être — étonnant, ou pas — de chez Paul Bocuse (où officie le MOF Olivier Couvin) : une brioche feuilletée garnie de cervelle de canut, jambon et lard d'Auvergne, cornichons et Saint-Marcellin. Un assemblage introuvable qu'on ne pourra donc que se concocter soi-même.
Street Food des Gones, Terroir lyonnais et cuisine de rue