Édito

Il te dirait quoi, ton Toi d’il y a 20 ans, s’il te croisait dans la rue ? « Sympa tes cheveux comme ça », « Dis donc t’as pris du poids », « Putain, t’as pas changé » ? « Comment tu vas depuis tout ce temps », « Quoi de neuf », « Qu’est-ce que tu deviens » ? « Et nos rêves, tu t’en souviens de nos rêves, (…) quand on sentait monter la fièvre ? »

Il y a 20 ans, pendant deux semaines, tu as battu le pavé, tous les jours, sous le soleil ou sous la pluie. Il y a 20 ans, tu l’as gueulé à plein poumons, ce slogan. Tu te souviens, ça faisait « Première, deuxième, troisième génération : nous sommes tous, des enfants d’immigrés ! ». Il y a 20 ans, jamais tu te serais dit « tous les mêmes ». Il y a 20 ans, tu nourrissais encore l’espoir de vivre un jour dans une société unie, dans laquelle chacun aurait la possibilité de trouver sa place.

On a tous rêvé de ça. Il y a 20 ans, n’est-ce-pas, on était tous ulcéré, de voir l’homme à l’œil de verre accéder au second tour. Sauf que 20 ans plus tard, sa fille fixe de ses deux yeux un avenir dans lequel elle accéderait non plus au second tour, mais au pouvoir. Dans lequel elle pourrait mettre en œuvre un programme si protectionniste qu’il ne pourrait que renforcer la haine du plus faible que soi. Plus grave encore, elle est désormais suivie d’un double, génie populiste, propagandiste du chacun-pour-soi-et-méfiez-vous-des-autres, homme politique décrété et tant pis si c’est pour le pire… Alors, puisqu’en 20 ans, nos rêves, nos valeurs et notre viscéral besoin d’être ensemble sont partis en fumée… « Ce qui est sûr pour le futur, c’est qu’on aura droit au même climat ». A moins que… ?