Biennale Design : très intéressant, mais…

Notre avis / Le thème : Bifurcations. La promesse : quatre mois de grande fête autour du design, à laquelle tous les Stéphanois pourraient prendre part. Les questions : la biennale Design sera-t-elle accessible à tous les publics, suffisamment attrayante pour capter ceux qui préfèrent généralement ne pas y mettre les pieds, et suffisamment étoffée pour assurer aux visiteurs d’en ressortir plus riches de connaissances ? Les réponses, au lendemain d’une visite des expositions installées à la cité.  

6 avril 2022, 10 heures : la 12e Biennale Internationale Design de Saint-Etienne est officiellement lancée. Au programme de ces quatre mois : des expos bien sûr, mais aussi des ateliers, des expériences, des rencontres, des conférences, des lectures, des tables rondes, des concerts, des performances, des projections… Dans les lignes qui vont suivre, nous ne détaillerons que ce que nous avons vu jusque-là : les 9 expositions actuellement installées entre les murs de la cité, dans le quartier Manufacture. Tour d’horizon de ce qu’on a trouvé chouette et de ce qui nous a un peu laissés sur notre faim.

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Le propos

On en a déjà parlé ici, et . Le propos de cette Biennale est non seulement séduisant, mais comme le dit son sous-titre, essentiel. A l’aire post-covid (ou presque), qui ne serait pas tenté d’approuver un processus de bifurcation qui permettrait au monde de ne pas foncer droit dans le mur ? Facilitateur de changements, le design fait aujourd’hui partie des disciplines susceptibles de nous faire réfléchir à nos modes de vie et de consommation, mais aussi de nous apporter certaines solutions pour nous aider à transformer ces derniers sans (trop) en souffrir. Bifurquons, il est grand temps.

Les idées

Un appart dans lequel on enlève les 2/3 de la matière des objets, meubles ou sanitaires, pour voir s’ils peuvent fonctionner quand même, et observer ce que cela produit chez celui (celle, en l’occurrence), qui l’utilise. Des sapes et des chaussures stylées, durables, éthiques et profondément adaptées aux corps de ceux et celles qui les portent, sorties de la tête de designers textiles indépendants, ou travaillant pour de grandes marques industrielles. Des idées en pagailles, nées sur le continent africain pour répondre à certains défis très localisés, mais dont on pourrait s’inspirer à l’échelle du monde tant elles ont à apporter. Une histoire de l’automobile prompt à nous interroger sur notre irrépressible besoin de nous mettre au volant. Des questionnements sur la maison d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain. Des travaux d’étudiants en design ou en art, à observer sous l’angle de l’ingénierie, mais aussi des messages transmis aux autres générations…
Aucun doute : les idées pour demain sont là, elles sont pertinentes, elles sont parfois surprenantes, elles sont extrêmement bien vues, évidentes. Parfois elles questionnent, parfois, elles portent à sourire. Toutes ingénieuses, elles nous amènent à nous dire qu’il est sans doute urgent qu’elles deviennent la norme.

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La matière

On en aurait voulu davantage. Ces 9 expositions mettent avant tout en évidence des idées et des concepts, et finalement assez peu de solutions matérialisées. On l’a dit juste au-dessus : ces idées et ces concepts sont vraiment intéressants… Mais on aurait voulu pouvoir s’immerger davantage et plonger physiquement dans ce que pourrait être le monde de demain. Toucher les matières, faire face à une foultitude d’objets et pourquoi pas les essayer… En bref, être beaucoup plus dans le concret. Ici, on lit beaucoup, on regarde beaucoup de photos, quelques vidéos. Au mieux, on observe des objets (souvent sous verre)… Mais on n’essaie rien, ou si peu. On aurait rêvé de pouvoir faire un tour à bord de l’automobile non-standard, produite en circuit court par le constructeur malgache Karenjy, s’immerger dans une reproduction à l’échelle de ce qui pourrait devenir La Grande Muraille Verte traversant le continent africain de Djibouti à Dakar, manger dans une assiette dont on a supprimé les 2/3, ou encore, teindre nous-mêmes du fil ou de la laine avec le dispositif SpirulWheel qui utilise la spiruline comme colorant. Pas qu’on ait eu à tout prix envie de jouer… Mais on ne peut pas s’empêcher de se dire que l’expérience est sans doute le meilleur outil de questionnement et d’apprentissage.

L’accessibilité

Voilà qui découle directement du point précédent. Beaucoup de lecture, beaucoup de concepts. Si intéressants - essentiels - soient-ils, s’adressent-ils à tous les publics ? A ceux qui ont une sensibilité à l’art, à ceux qui ont des notions de sociologie, de design, à ceux qui se questionnent déjà sur l’environnement, le monde du vivant, à ceux qui sont renseignés, avertis, sur ce qu’ils s’apprêtent à explorer au cours de leur visite : certainement.
Nos conseils, pour ceux qui n’aiment pas forcément lire, ou qui ne souhaitent pas préparer de trop leur venue : opter pour une formule de visite guidée, pour éviter la déambulation de bâtiment en bâtiment, dans l’attente vaine qu’une expo, un concept ou un objet les choppe "au passage". Pour ce faire cependant, il faudra ajouter 5 euros au prix du pass à 12€, (10 en réduit) soit 17€ au total pour visiter les expos de la cité… Montant qui, là aussi, renvoie directement à la question du « tout public », et ce, même si le pass en question donne accès à toutes les autres expos du territoire en lien avec l’événement.
Autre moyen de profiter de la Biennale sans dépenser trop d’argent, tout en passant un bon moment : laisser de côté les expos, et s’inscrire à un atelier. Ils seront très nombreux durant ces quatre mois, auront pour objet des thématiques très différentes, permettront aux visiteurs d’être dans le faire et de vivre une expérience… Et beaucoup sont gratuits. (A choisir parmi la programmation disponible en ligne).

Le parcours

On ne sait pas ce qu’en diront les experts du design qui franchiront le porche de la cité, puisque nous n’en sommes pas. Mais d’avis d’amateur non spécialiste : le programme de visite est dense… Très dense. Peut-être la meilleure formule est-elle de choisir en amont de sa visite quelques expos à explorer, quitte à en laisser certaines de côté. Neuf de suite, même liées par une thématique, c’est beaucoup, à moins d’avoir une journée devant soi et pas mal d’énergie à y consacrer. D'être un passionné, en somme.

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Un avis bilan ?

La thématique vaut le coup, cette fois-ci, c'est une certitude. On nous parle de notre futur, et, d’une certaine manière, on nous donne de quoi retrouver de l’espoir. Mais, à l’image de ce que sans doute notre planète attend aujourd’hui de nous, on nous demande un effort. Sommes nous prêts pour cela? C'est toute la question...

Biennale Internationale Design, expositions, jusqu’au 31 juillet à la cité du Design de Saint-Etienne.

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