Tourner pour vivre, Les Folies fermières, Karnawal, Tom... Les films de la semaine

À voir

★★★☆☆ Tourner pour vivre 

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Entré à moins de trente ans dans la légende du 7e Art grâce à Un homme et une femme, Claude Lelouch conserve un enthousiasme inentamé après plus d’un demi-siècle de cinéma marqué par des succès colossaux et des bouillons terribles, menant toujours plusieurs projets de fronts. Fasciné par cet insubmersible optimiste, son ami et documentariste Philippe Azoulay décide de le suivre au plus près quelques mois… sans se douter que leur aventure commune durera des années.

Il existe déjà deux excellents documentaires sur Claude Lelouch, et ils sont autobiographiques. Le premier,  D’un film à l’autre (2009), raconte à la première personne 50 ans de cinéma. Le second, c’est l’immense corpus que constitue l’œuvre du bonhomme, aussi transparente sur sa vie que sur l’évolution des techniques depuis la Nouvelle vague. Alors, que pouvait ajouter Philippe Azoulay ? Mille choses inédites avec un regard extérieur échappant à ces making-off déférents et complaisants. Comme le travail d’écriture incessant (car oui, il y a bien des scénarios et des pages dialoguées chez Lelouch), la pugnacité dans les réunions avec ses partenaires de production, les plans marketing, la simplicité non feinte, l’admiration éprouvée pour les confrères de Kalatozov à Woody Allen, la naïveté sincère. Qu’on accroche ou décroche à ses films, ce documentaire est fidèle à l’homme et à ses fragilités.

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De Philippe Azoulay (Fr., 1h45) avec Claude Lelouch, Jean Dujardin, Anouk Aimée, Sandrine Bonnaire…


★★★☆☆ Les Folies fermières 

David est au bord du gouffre : la ferme familiale qu’il exploite dans le Cantal est criblée de dettes. En quête d’une ultime idée, il découvre un cabaret qui le convainc d’accueillir dans sa grange un dîner-spectacle pur terroir. Il va devoir engager et diriger une troupe de saltimbanques…

Parmi les qualités de Jean-Pierre Améris figure sa croyance viscérale dans l’humain — ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour cet inquiet perpétuel. Elle se traduit dans son acharnement à représenter de film en film la société dans sa plus parfaite diversité (sociale, culturelle, démographique etc.), comme dans son goût pour les comédiens, en particulier les nouveaux venus : il a toujours eu du flair pour débusquer les jeunes talents, les intégrer à ses distributions et susciter la fidélité de ses acteurs. Pour ce film empruntant son argument à une authentique “belle histoire“, il fallait justement un attelage composite afin de “faire vrai“ — des univers de jeu trop similaires auraient affadi l’ensemble. Les malentendus entre les personnages, les évidences qui n’en sont pas, les accidents transformés en chance rendent l’aventure effectivement plus proche et touchante. Film de printemps (le vert du Cantal y contribue), Les Folies fermières sera-t-il la version auralpine (et habillée) de The Full Monty ?

De Jean-Pierre Améris (Fr., 1h49) avec Alban Ivanov, Sabrina Ouazani, Michèle Bernier…


★★★☆☆ Nitram 

Enfant, Nitram a trop joué avec les feu d’artifices. Adulte, il reste un peu simple et totalement inconséquent. Le hasard lui fait rencontrer Helen, une richissime excentrique avec laquelle il entame une relation. Mais sa brutale disparition plonge Nitram dans une dépression aux conséquences foudroyantes…

Curieux objet que ce film ayant valu à Caleb Landry Jones le Prix d'interprétation masculine à Cannes l’an dernier — vérifiant au passage cette loi non écrite de dame-patronnesse selon laquelle une prestation de malade mérite gratification comme par compensation. Partant d’images d’archives pour aboutir au rappel d’un fait historique australien tragique, l’histoire qu’il raconte tient de la variation autour d’un fait divers autant que de la récréation de l’ambiance bizarroïde renvoyée par l’esthétique du cinéma austral d’il y a trente ans, avec son spleen, ses ciels laiteux et ses familles dysfonctionnelles (coucou, Jane Campion et Shirley Barrett). Entre l’observation socio-entomologique et regard gentiment moqueur sur les personnalités “marginales” qu’il décrit, Justin Kurzel semble cultiver le flou ; paradoxalement, cette indécision sert le propos de Nitram dont le protagoniste suit un chemin des plus erratiques. Difficile d’adorer ou de détester ce film ; ce qui est sûr, c’est qu’il ne laisse pas intranquille.

De Justin Kurzel (Aus., int.-12 ans, 1h50) avec Caleb Landry Jones, Essie Davis, Anthony LaPaglia…


★★★☆☆ Karnawal 

À la frontière entre l’Argentine et la Bolivie, le jeune Cabra répète pour un concours de danse traditionnelle devant se dérouler pendant le carnaval. À l’occasion, il est tenté par de petits trafics. Le problème, c’est que sa mère vit avec un membre des forces de l’ordre. Et que son père, un caïd réputé, va sortir de prison…

Largement nourri d’éléments personnels, ce premier film à l’affiche bariolée et au titre évoquant une fête libératoire dissimule un insoupçonnable film noir jouant avec de nombreuses zones crépusculaires : l’adolescence de son protagoniste, son androgynie, sa propension à flirter avec la légalité, la valse-hésitation de sa mère prise entre son le souvenir du père de Cabra et son nouveau compagnon plus “respectable“ et naturellement le cadre du carnaval où, l’alcool et le sacré étant convoqué, tout semble permis. Le sentiment d’urgence, de danger et d’indécision qui en résulte n’est pas sans rappeler celui traversant l’interlope La Vierge des tueurs de Barbet Schroeder (2000). Il y a cependant ici un espoir d’absolution dans le malambo — la danse que Cabra pratique en virtuose ; une authentique lumière soldant le récit.

De Juan Pablo Félix (Nor.-Mex.-Chi.-Bre.-Arg., 1h37) avec Martin López Lacci, Alfredo Castro, Mónica Lairana…


★★★☆☆ Utama : La Terre Oubliée

Sur les hauts plateaux boliviens désertiques, deux vieillards survivent péniblement. Chaque jour, Virginio emmène paître ses lamas pendant que Sisa l’attend à la maison. Quand leur petit-fils débarque pour leur proposer de les emmener à la ville, il se heure à l’hostilité du patriarche…

Les premières minutes, à la lenteur contemplative, laissent craindre un des ces redoutables documentaires déguisés en fiction, et métaphorisant l’aridité de la vie au moyen de plans fixes sur des lamas foulant un sol aussi craquelé qu’un visage de vieil andin. Mais la survenue du jeune, met démultiplie les arcs dramatiques : ce n’est plus une histoire de Sisyphe, ni une histoire de fin de vie(s), cela devient un conflit de générations, de civilisations avec la crainte de voir disparaître la terre, les traditions, la langue des ancêtres. À l’obstination du grand-père malade répond l’affection têtue du petit-fils et la solide détermination de Sisa, la grand-mère à la parole rare mais pesante. Au finale, on est captivé par le paysage hypnotique, l’histoire universelle et l’on en apprend au moins autant que dans un documentaire.

De Alejandro Loayza Grisi (Uru.-Bol., 1h28) avec José Calcina, Luisa Quisle, Santos Choque…


★★★☆☆ Tom

La vingtaine, Joss habite un mobile home avec Tom le fils qu’elle eu trop tôt il y a 11 ans. Combative, elle prépare un concours d’aide-soignante et voit d’un mauvais œil le sauvage Samy revenir dans sa vie. Pendant ce temps, Tom sympathise avec Madeleine, une vieille dame isolée.

On comprend sans peine ce qui a séduit Fabienne Berthaud dans le roman de Barbara Constantine : davantage que la trajectoire du héros-titre, celle de sa mère aussi enfant que son fils et surtout si comparable à ces personnages de blondes cabossées par l’existence dont la réalisatrice aime à tracer les portraits. Nadia Tereszkiewicz prend ici la suite de Cécile de France et surtout de Diane Krüger, interprète de prédilection de ses précédentes réalisations. À la fois sauvage et élégant, ce film organique (la campagne est un personnage en soi) où plane constamment une étrange menace offre également un nouvel emploi à Félix Maritaud, qui n’a jamais été aussi convaincant et nuancé que dans son rôle d'intrus surgi du passé. Surprenant, dans le bon sens du terme.

De Fabienne Berthaud (Fr., 1h27) avec Tanguy Mercier,  Nadia Tereszkiewicz,  Félix Maritaud…

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