Stéphane Meyer, drôle d'oiseau

Portrait / Circassien et voltigeur équestre également devenu fauconnier, l’intrépide directeur de la Volerie du Forez laisse depuis toujours la passion et la sensibilité le guider. Résultat : un parcours singulier et un lieu enchanteur, au service du public autant que de l’animal. Récit.

Tout au long du chemin qui mène à la forteresse Sainte-Anne, on abandonne peu à peu la nervosité urbaine pour le calme et la douceur qui enveloppent les maisons de pierres aux devantures fleuries, à peine rompus par les chiens qui aboient de-ci de-là ou les « bonjours » échangés avec les habitants.

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Ancienne citadelle des comtes du Forez, l’édifice se dresse avec fierté en surplomb de Marcilly-le-Châtel, tel un vestige du passé que le présent a su exploiter. Et puis, à quelques pas de l’entrée du château, tandis que patrimoines historique, naturel et géologique s’entrelacent au point de bousculer notre perception du temps, l’image d’un chameau qui rumine vient définitivement chambarder nos repères : le site dont nous nous apprêtons à franchir la porte promet dès ses abords une expérience hors-du-commun… A l’image du maître des lieux.

A l’intérieur, Stéphane Meyer nous attend. Silhouette élancée, sourire aux lèvres, ton de voix clair et posé, il entame tranquillement le récit fou du « parcours tordu » qui l’a conduit jusqu’à la direction de la Volerie du Forez. Un peu de ci, beaucoup de ça, le tout saupoudré de ceci ou de cela… A défaut de se spécialiser et d’exceller dans un domaine précis, Stéphane a très tôt décidé d’être, dit-il, « moyen dans tout ». Une modestie qui, si elle l’honore, ne saurait dissimuler complètement l’intelligence du parti pris, et la qualité du résultat obtenu lorsque l’on additionne toutes les cordes de son arc.

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Formé à l'audace

Stéphane a 5 ans, lorsqu’on « lui colle les fesses sur un cheval » pour la première fois. Le début d’un chemin vallonné, inspiré par son instinct autant que par ses rencontres avec les « personnes hors-norme » qui vont lui permettre de le développer. Gamin du sud, c’est avec Manolo, le directeur du théâtre du Centaure, qu’il découvre tout d’abord la voltige équestre.

« C’était une discipline à part. On était 2 à suivre ses cours. Quand l’un voltigeait, l’autre apprenait à jongler. En y repensant, je me dis que c’était vraiment une autre époque… On faisait ça sans casque, sans sécurité… C’était fou ».  De cette expérience, sans doute gardera-t-il l’audace qui aujourd’hui encore le guide dans ses décisions. Et puis, aussi, son inconditionnel attachement aux équidés.

L’histoire, pourtant, aurait pu s’arrêter net : en 1989, Manolo s’en va monter son théâtre, laissant le gamin de 8 ans triste et désespéré à l’idée de ne plus jamais voltiger. « Ça a été très dur pour l’enfant que j’étais, parce qu’on n’arrivait pas à trouver un autre professeur d’accord pour m’accueillir. Durant 4 ans, je n’ai plus voulu entendre parler de cheval, et je me suis alors formé aux arts du cirque avec Alexis Calvin, qui, quelques années plus tard, a fini par m’engager. »

Mais, même mise de côté un temps, la passion première du jeune Stéphane va finalement revenir au galop. A 12 ans, le jeune homme se remet en selle, décidé à devenir bon cavalier afin de pouvoir voltiger seul. Un beau jour, dans le centre équestre dans lequel il s’exerce, il demande l’autorisation d’emprunter un cheval… Et hop! l’aventure repart de plus belle.

Respect de l'animal

Et quelle aventure ! Devenu un jeune adulte, et après un passage sur les bancs de la fac pour tenter « d’avoir un vrai métier », Stéphane obtient un statut d’intermittent du spectacle, qu’il met notamment à profit pour poursuivre ses différents apprentissages. Escrime artistique, arts martiaux, théâtre, musique… Tout y passe.

En Avignon, il prend également des cours de dressage, aux côtés de Joël Laugier, l’un des maîtres de la discipline qui va lui enseigner la finesse de la monte et lui transmettre un peu plus encore l’importance du respect de l’animal, de son rythme, et de sa personnalité.

Dans ce parcours dense, les années 2010 seront un tournant. Pour intégrer l’école de cirque d’Olivier Vidal spécialisée dans la voltige équestre, le jeune homme quitte son sud natal et atterri à Chambéon, en plein cœur du Forez. Et, tandis qu’enfin son rêve de gosse se réalise pour de bon, Stéphane va sans le savoir emprunter un de ces chemins du destin qui conduisent à une révélation.

Sens de l'observation

Un après-midi de 2011, sur les conseils de Vidal, l’artiste grimpe sur les hauteurs de Marcilly-le-Châtel, et découvre la Volerie du Forez. « Ça m’a subjugué. J’ai aimé le lieu, j’ai aimé l’énergie qui le traversait. La proximité avec le public m’a fasciné. Je suis allé voir Pierre Degaret, l’ancien directeur, je lui ai expliqué ce que je faisais et je lui ai proposé mes services. Il a refusé. Je suis revenu plusieurs fois à la charge. »

Du genre entêté, Stéphane parvient finalement à se faire une place au sein de l’équipe de la Volerie, comme bénévole. Son sens de l’observation et son instinct feront le reste : assimilant rapidement les gestes et les postures, laissant s’exprimer la sensibilité de sa main et son intuition, il intègre rapidement les spectacles, et se prend littéralement de passion pour les rapaces dont il s’occupe. De fil en aiguille, et alors qu’après quelques mois, Pierre Degaret lui glisse à l’oreille qu’il envisage de partir en retraite, l’œil du circassien-voltigeur devenu aussi fauconnier s’illumine : ici, il pourrait poursuivre les spectacles d’oiseaux et y intégrer des chevaux…

Banco. Après avoir obtenu deux certificats de capacité pour pouvoir s’occuper des rapaces et des perroquets, Stéphane reprend la gestion de la Volerie et créé un site unique, au sein duquel on croise dorénavant rapaces et équidés d'ici et d'ailleurs, perroquets, hiboux et chouettes.

D’avril à octobre, l’équipe propose au public de découvrir deux spectacles, toujours prétextes à pédagogie, à la découverte des espèces et des menaces qui pèsent sur elles. S’appuyant sur l’existant et sur tout ce qu’il a appris auprès des mentors successifs de sa vie, le nouveau directeur propose ainsi un art du spectacle qui s’accommode du rythme naturel de l’animal, et non l’inverse. Ici, c’est l’oiseau, qui décide s’il veut voler ou non, et c’est l’homme, qui s’adapte.

Plus qu’un site de divertissement, la Volerie du Forez est finalement un lieu de préservation des animaux, au sein duquel plusieurs programmes de sauvetage ou de réintroduction en milieu naturel sont d’ailleurs régulièrement mis en œuvre.

Artiste intrépide, Stéphane est quant à lui devenu ici un directeur pragmatique, pour qui la magie du spectacle ne peut qu’être plus belle lorsqu’elle sert autre chose que le simple loisir de celui qui le pratique ou qui y assiste… Ou comment faire du bon sens un ingrédient essentiel à la liberté.

La Volerie du Forez, tous les jours de l'été de 14 heures à 18 heures, excepté le 31 juillet. Réservations vivement conseillée.

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