Interview : Thor fait sa crise de la quarantaine

Cinéma / De retour aux manettes, Taika Waititi imprime sa patte légèrement iconoclaste et usant volontiers de dérision pour ce quatrième opus consacré au dieu nordique. À la clef, des références (cinémato)graphiques surprenantes, des innovations techniques et des caméos de luxe. Un changement dans la continuité du tonnerre…

Vouliez-vous rester sur le même ton que Thor Ragnarok ou bien espériez-vous aller dans une direction différente ?

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Taika Waititi : C'est la première fois que Marvel fait quatre films avec un héros ; pour moi, la seconde   — mais je pourrais en faire un de plus avec Thor, ça aurait du sens. En tout cas oui, je voulais absolument garder ce même ton qui nous avait réussi pour Ragnarok. Seulement, après Ragnarok, je pensais que nous n'en ferions probablement pas d’autre : nous avions mis tout ce que nous pouvions. Mais comme Marvel nous a demandé d’en refaire un, il m’a fallu trouver plus d’idées ; alors je suis revenu aux comics — vous savez, ceux des années 1950 à 1970 que l’on doit à l’art de Jack Kirby, avec des personnages à la nature explosive et des aventures plus grandes que nature. Et c’est là que j’ai trouvé Gorr, le Dieu boucher, ainsi que le parcours de Jane Foster en Thor. C’était les deux choses dont j’avais besoin pour que l’aventure soit plus grande. Je suis très heureux que le ton soit cohérent.

Il semble qu’il y ait d’autres influences plus inattendues dans le film, comme la comédie romantique loufoque des années 1950 et même une séquence assez sombre en noir et blanc qui rappelle l’Expressionnisme allemand… 

Cette séquence en noir et blanc et un surtout hommage à Truffaut et à son film Jules et Jim. Je tenais à ce que le film s’arrête en son milieu pour cet hommage en noir et blanc. Vous savez, il y a de très bonnes bandes dessinées en noir et blanc ; et cette nature graphique se prête bien évidemment au cinéma. Mais pour les films de super-héros de bandes dessinées, on ne le voit guère. OK, Sin City s'en était très bien sorti : c'était super graphique et le noir et blanc était incroyable. Mais comme nous avions promis un film très coloré aux fans, ces 20 minutes de noir et blanc au milieu peuvent être ressenties comme quelque chose de nouveau et d’inattendu. 

Sur la première partie de votre question : Thor existe depuis des milliers d'années, il a eu plus d'expériences que nous ne pourrions jamais en avoir. Le problème est donc de le rendre accessible à un public humain — c’est ce que nous voulions faire et c'est ce qui était attendu par les fans ; de repousser ses limites. La meilleure manière de le faire est de le soumettre à une “crise de la quarantaine“ en lui faisant sentir qu'il est perdu, qu'il n'a aucun but… C’est quelque chose que personne n'attend d'un personnage super fort. Comme si l’on testait son plus gros muscle en le faisant entrer dans une histoire d’amour avec ses armes, et qu’on regardait ce que ça lui fait.

Vous êtes réalisateur mais aussi, comme toujours, interprète de votre film — ici, du personnage de Korg. À quoi ressemble une de vos journées types, puisque vous jouez en motion capture et vous dirigez  en même temps ?

Oh c'est très normal pour moi : je joue dans tous mes films, j’ai l’habitude. Je dirais que je suis  dans ma zone de confort. Cela me calme de pouvoir jouer, et c'est aussi un excellent moyen de diriger d'autres acteurs puisque que je peux être à l’intérieur de la scène, avec eux, plutôt qu'une voix qui leur crie des choses. 

Comment avez-vous convaincu Russel Crowe de devenir Zeus ?

Russell est un de mes amis depuis un bon moment et ce qu’il pouvait donner à Zeus me semblait juste assez ridicule et assez fou pour que ça fasse sens avec ce film. Je trouve qu’il y a des similarités entre son Zeus ce son personnage de gladiateur. Et puis, quand vous pensez à des acteurs poids lourds, de ce gabarit et qui ont résisté à l'épreuve du temps, il y a Russell Crowe.

Que pouvez-nous dire de cette nouvelle technologie que vous avez utilisée, Le Volume ? Votre film est le premier du MCU à l’expérimenter. En quoi consiste-t-elle et que change-t-elle pour les acteurs ? 

En gros, vous créez une pièce circulaire composée d'écrans de télévision. Ils sont tous reliés entre eux, peuvent monter aussi haut que vous le souhaitez et le plafond est aussi couvert d’écrans. C’est sur ces écrans que vous projetez votre environnement ; cela signifie que l’ensemble du décor et de la lumière de la scène provient de ces écrans. Cela avait été fait pour The Mandalorian, où le personnage principal a un casque réfléchissant : tout ce que vous voyiez dans le miroir, tous les reflets provenaient de ces écrans. 

Pour les acteurs, au lieu d'avoir un écran bleu ou vert, ou de regarder une balle de tennis sur un bâton, ils regardaient ce qu’ils étaient censés regarder. C’est comme la méthode de rétroprojection des années 1920 et 1930, juste une version un peu plus avancée pour qu’on puisse contrôler l'environnement. Par exemple, on peut tourner pendant “l’heure magique“ toute la journée. Ou pendant des mois si on veut : on contrôle l'endroit où se trouve le soleil. Et on obtient davantage de sensations à huis clos pour les prises de vues. C’était en effet la première fois, et je pense que c’est vraiment un super outil.

Vous avez également tourné “à domicile”, en Australie…

L’Australie est un endroit incroyable pour tourner. Vraiment super. Surtout en pleine pandémie. Car heureusement en Nouvelle-Zélande et en Australie, c'était moins dur que partout ailleurs. Il y avait un contexte relativement normal : pratiquement aucun cas. Nous étions sur le plateau tous les jours, nous n'avons pas été fermés une fois, nous n'avons pas eu de retard. C’était miraculeux en 100 jours de tournage de ne pas avoir de retards.

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