Rentrée ciné 2022 : À manger, à boire… et à vomir aussi

Sélection / Sur les écrans, rentrée rime souvent avec ventrée : le dernier trimestre concentre l’essentiel des palmarès cannois, vénitiens et angoumoisins, auxquels s’ajoutent les blockbusters de Noël. Le programme s’annonce effectivement copieux, de bon augure pour les salles en cruel manque de visiteurs. Bref aperçu chronologique.

En septembre

La fin septembre sera évidemment assommée par la sortie du miroir aux alouettes Sans filtre de Ruben Östlund (le 28) — critique pseudo acerbe de la vanité superficielle des occidentaux privilégiés et faussement provocatrice du fait de sa séquence de vomi, récompensée sur tapis rouge d’une Palme d’Or signée Chopard.
Mieux vaut rire jaune avec le nouvel opus des ex-Strip Tease Jean Libon & Yves Hinant pour Poulet Frites (le 28) document hallucinant au cœur d’une enquête ouverte après un homicide en Belgique, où l’on retrouve la magistrate de Ni juge ni soumise. Le réel, en ironie tragique et absurde, dépasse ici de loin toute tentative de fiction. À la même date une curiosité ibérique en noir et blanc majoritaire, également centrée sur une enquête, Les Mystères de Barcelone où Lluis Danès révélant dans sa réalisation d’habiles cousinages avec la mise en scène de théâtre.
Pas encore vu : le drame Le Sixième enfant (le 28) premier long de Léopold Legrand avec Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe et Judith Chemla.

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En octobre

Octobre s’engage sous le signe des poids lourds avec d’entrée le nouveau “Frèresdardenne“ Tori et Lokita (le 5). Fatalement primé sur la Croisette, ce drame sans issue traite de la situation cataclysmique des (MNA) mineurs non accompagnés a fortiori lorsqu’ils sont réfugiés.
La place des étrangers est aussi au centre du R.M.N. (le 12) de Cristian Mungiu, radiographie vitriolée d’une communauté transylvanienne se laissant aller aux pires instincts xénophobes dès lors que l’usine locale fait appel à de la main d’œuvre srilankaise — avec en prime une jolie farandole d’hypocrites.

RMN ©Mobra Films
Tromperies, bourgeoisie, retournement d’intrigue, musique inquiétante, ambiances nocturnes et oniriques… Jean-Paul Civeyrac étonnera en bien avec un polar agréablement chabrolien, Une femme de notre temps (le 5) que domine une Sophie Marceau forte de toutes ses faiblesses.
Thriller toujours mais mâtiné de rom-com et de burlesque avec la jubilatoire réalisation-interprétation de Louis Garrel, L’Innocent (le 12) tournée dans Lyon avec Roschdy Zem — l’incontournable de la rentrée — et Anouk Grimberg.
Moins guilleret car balançant entre l’écarlate et le noir profond, Bowling Saturne (le 26) signe le retour d’une Patricia Mazuy très affûtée pour une tragédie familiale emplie de pulsions bestiales, de ressentiments et de violence. Un grand strike.
Moins convaincants s’avèrent Le Petit Nicolas - Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? (le 12), inexplicable Cristal d’Annecy pour cette énième adaptation mêlée à une semi-biographie des auteurs de la série pour tenter d’apporter quelque nouveauté ; et Mascarade, intrigue à tiroirs sur la Riviera à la Wilder-Mankiewicz saupoudrée par Adjani et dirigée par Nicolas Bedos ; puis Close, où Lukas Dhont déçoit après Girl en restant dans sa zone de confort au point de risquer le systématisme (le 26).

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Pas encore vus : Un beau matin de Mia Hansen-Løve et L'Origine du mal de Sébastien Marnier (le 5) ; Simone, le voyage du siècle de Olivier Dahan ; Jack Mimoun et les secrets de Val Verde de et avec Malik Bentalha et Les Harkis de Philippe Faucon (le 12) ; Reprise en main la première fiction de Gilles Perret ; deux reboots à la française Le Nouveau Jouet de James Huth avec Jamel Debbouze et Belle et Sébastien : Nouvelle génération de Pierre Coré ; Le Pharaon, le Sauvage et la princesse de Michel Ocelot ; l’âne EO de Jerzy Skolimowski (le 19) ou encore La Conspiration du Caire de Tarik Saleh (le 26).

En Novembre

Novembre s’engage avec le coup de maître du débutant ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, Pamfir (le 2) épopée autour d’un père de famille de retour au village, forcé de reprendre des activités de contrebande pour résoudre des problèmes d’argent. Une intrigue aussi prenante qu’émouvante, déjouant tout ce que l’on peut attendre dans les comportements des personnages, superbement photographiée et portée par la révélation Oleksandr Yatsentyuk.
On signale aussi Les Pires (le 30) de Lise Akoka & Romane Gueret, comédie relatant un tournage “façon Dardenne“ dans une banlieue du Nord avec des enfants et des ados du cru, cernant avec beaucoup de finesse toutes les problématiques inhérentes au contexte comme aux interactions entre les protagonistes, ainsi que Jusqu’à demain (le 16) de Ali Asgari, film iranien, là aussi à la manière des Dardenne, suivant les péripéties d’une jeune femme cherchant à cacher l’existence de son bébé à ses parents lui ayant annoncé leur visite surprise à Téhéran.
Deux documentaires à voir également : Le Monde de Kaleb (le 2) de Vasken Toranian suivant l’acharnement de Jean-Luc, tailleur parisien œuvrant pour que Kaleb et sa mère Betty, apatride, puissent enfin bénéficier de papiers et des aides auxquelles ils ont droit ; Cow (le 30) où Andrea Arnold suit Luma, une vache laitière d’une mise bas à l’autre. Malgré (ou à cause de) l’anthropomorphisme induit par la réalisation “à hauteur de garrot“, c’est saisissant et ça fait réfléchir. Enfin, un geste expérimental post-confinement sur l’isolement numérique “hikikomoriesque” des adolescents vu par Bertrand Bonello, Coma (le 16), qui tient de l’expérience sensorielle et subjective. Moins emballants sont Les Amandiers (le 16) auto-biopic de Valeria Bruni Tedeschi sur son parcours dans la troupe de théâtre de Chéreau et Romans ; Plus que jamais (le 16) de Emily Atef, pesant film de rupture choisie avec Vicky Krieps et Gaspard Ulliel, dramatiquement alourdi par la résonance d’un deuil subit et imposé qui le plombe davantage. 

Cow ©Ad Vitam

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Pas encore vus : Amsterdam de David O. Russell (le 2) ; Black Panther: Wakanda Forever de Ryan Coogler ; Armageddon Time de James Gray ; le très attendu Pacifiction - Tourment sur les îles de Albert Serra avec Benoît Magimel ; la suite de Au revoir là-haut, Couleurs de l'incendie par Clovis Cornillac (le 9) ; Les Miens de et avec Roschdy Zem ; Nostalgia de Mario Martone (le 16) ; Fumer fait tousser de Quentin Dupieux et Annie Colère de Blandine Lenoir (le 30).

En décembre

De décembre, on ne parlera que du flamboyant Joyland (le 28), premier film pakistanais de Saim Sadiq qu’il ne faudrait pas réduire à sa Queer Palm — les médailles, quelles qu’elles soient, ont parfois ce revers paradoxal de détourner certains publics alors qu’elles devraient les agréger et susciter la curiosité — c’est un film universel d’une spectaculaire beauté rappelant Wong Kar-Wai, et d’une maîtrise formelle insensée narrant le coup de foudre d’un homme au foyer pour une danseuse de cabaret transexuelle.

©Condor Distribution Joyland
Loin de cette fresque familiale bariolée, la saga privée Les Années Super 8 (le 14) de Annie Ernaux & David Ernaux-Briot, montage de films de famille de l’autrice, accompagné par sa voix, offre comme un bonus illustrant en contrepoint son œuvre littéraire ô combien intime.

Pas encore vus : la liste est fatalement longue et dominée par Avatar : la voie de l'eau de James Cameron (le 14). Mais il faut aussi compter sur Les Bonnes étoiles de Hirokazu Kore-eda (le 7) ; Ernest et Célestine : le voyage en Charabie de Julien Chheng & Jean-Christophe Roger ; la comédie musicale La Grande magie de Noémie Lvovsky (le 14) ; Shazam! Fury of the Gods de David F. Sandberg ; Godland de Hlynur Palmason ; Stella est amoureuse de Sylvie Verheyde ; Les Huit Montagnes de Charlotte Vandermeersch & Felix Van Groeningen et Le Parfum vert de Nicolas Pariser (le 21). Liste non exhaustive, évidemment…

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