Films sortis en salles la semaine du 23 novembre 2022

À voir

★★★☆☆ Nostalgia

Quarante ans après avoir quitté Naples afin d’éviter les conséquences d’une grosse bêtise, Felice y revient dans l’espoir de faire la paix avec son passé. Pris dans un jeu de cache-cache entre mafieux (d’hier et d’aujourd’hui) et l’escadron du prêtre qui les combat, Felice cherche sa place. Mais y a-t-il un juste milieu ?

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Depuis La Mort d’un mathématicien napolitain (1992), Mario Martone semble avoir voué sa carrière cinématographique à dépeindre toutes les faces et facettes de sa ville — sans complaisance ni angélisme — à travers les portraits de ceux qui lui donnent vie et âme. Comme son titre programmatique le laisse deviner, Nostalgia est l’un des plus émouvants parce que ses longues déambulations d’homme mûr  sur le point d’enterrer sa mère se mêlent aux flash-backs montrant ses “exploits“ de jeunesse dans la cité inchangée : les humains passent, mais les pierres demeurent. À l’image des rancunes, qui s’enveniment même avec le temps. En faisant durer ses errances, en montrant l’indécision d’un Felice croyant naïvement qu’il peut être absout de ses fautes, l’indicible et grandissant attachement ressenti pour sa ville, Martone parvient à capturer ce sentiment diffus, évanescent, de nostalgie, dont l’expression de dispense de paroles. D’où l’importance de l’interprète, en l’occurrence le très physique Pierfrancesco Favino, capable comme Depardieu d’un jeu puissamment introspectif.

De Mario Martone (It., 1h57) avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco Di Leva…


★★★☆☆ Mauvaises filles 

Durant plus d’un siècle et jusqu’aux années 1970, la justice française plaçait — sans trop s’émouvoir — des jeunes mineures pas forcément à problèmes dans des maisons de correction à l’enseigne du “Bon Pasteur“, des institutions religieuses bien bien mal nommées eu égard aux traitements dégradants, voire sadiques, qu’elles infligeaient à leurs pensionnaires. Constitué d’une collection de témoignages aussi édifiants que glaçants alternant avec des plans tournés dans un ancien établissement rendu à l’état de taudis, ce documentaire met au jour un scandale révulsant à de nombreux égards. Non seulement l’État a délégué à une institution religieuse ses missions de protection et d’éducation de l’enfance — lui permettant de pratiquer sans crainte ni contrôle sévices et actes de barbarie —, mais des gamines abusées ont été placées quand leur agresseur était laissé tranquille. Et naturellement, la reconnaissance publique des torts subis reste inexistante ; les femmes qui s’expriment ici ont d’autant plus de mérite de parler. On s’indignait du sort des Irlandaises de The Magdalene Sisters (2002) en ignorant que l’on abritait une monstruosité comparable…

Documentaire de Emerance Dubas (Fr., 1h11)


On s’en contente

★★☆☆☆ Saint-Omer 

Pour son nouveau projet littéraire, Rama — une romancière qui se sait enceinte — se rend à la cour d’assises de Saint-Omer pour suivre le procès de Laurence, une femme accusée d’avoir tuée sa petite fille en la laissant sur la plage alors que la marée montait. Est-elle une victime ou une perverse mythomane ?

Ce doit être le péché originel des documentaristes lorsqu’il “passent à la fiction“ — on a pu le constater à nouveau avec Un couple de Frederick Wiseman : leur obstination à fabriquer de la durée, à créer un réalisme sur-artificiel à force de le déposséder des attributs cinématographiques au nom du naturalisme ; bref, à calquer des règles strictes de captation documentaire sur un récit sorti de leur imaginaire. Certes, des approches austères — voire jansénistes, coucou Bresson et Dumont — peuvent être éminemment cinématographiques si elles sont contrebalancés par une écriture visuelle, sonore, dramatique originale et pas seulement une  (ou des) intention(s). C’est un peu le problème ici : Alice Diop pose des blocs : la vie de Rama, quasi-mutique et en général impassible, encombrée par sa relation conflictuelle avec sa mère ; et puis le procès suivi à travers ses yeux dont il faut tirer des conclusions, mais aussi les conclusions de Rama. Qu’apporte en fait ce personnage de Rama ? Un contrepoint ou une empathie différente dans l’appréhension des débats, en écho à sa propre situation ? Pas grand chose, en réalité, du fait de son manque d’expressivité, pour ne pas dire froideur. Son absence n’aurait sans doute pas manqué.

De Alice Diop (Fr., 2h02) avec Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville…


★★☆☆☆Le Menu 

Sur un embarcadère, une petite dizaine de personnes se retrouve pour se rendre sur une île afin de partager un rare privilège : dîner à la table du Chef Sowik, un prestigieux cuisinier aussi prisé que misanthrope. Si les plats concoctés sont à la hauteur de sa réputation, le menu réserve de cuisantes surprises pour ses hôtes… 

Une distribution appétissante ; le choix d’une intrigue parfaitement inscrite dans l’air du temps (la “gastronomie domestique” vomie H24 par les télévisions désacralisant l’art culinaire) ; une entrée en matière savoureuse, qui annonce le film-concept découpé en chapitres comme un menu l’est en plats… Et puis splotch ! La sauce ne prend pas… ou le soufflé retombe, c’est au choix. Un côté répétitif s’installe dans ce qui s’annonce rapidement comme un succédané de Dix petits nègres en bien moins pervers. Si la vengeance est un plat qui se mange froid, il s’accommode au moins de quelques saveurs relevées pour lui donner du caractère et de l’imprévu : ce n’est guère le cas ici, où trop peu de choses viendront faire dévier le service de son cours. Oh, Mark Mylod connaît son métier : c’est efficace mais impersonnel et peu original là où l’on aurait aimé être saisi (à point). Quant à la qualification “d’épouvante” et l’interdiction aux moins de 12 ans, qui laissaient espérer (ou craindre pour les estomacs sensibles) une mignardise façon Hannibal, elles semblent exagérées devant le grand finale façon Ratatouille.

De Mark Mylod (E.-U., int.-12 ans, 1h48, ) avec Anya Taylor-Joy, Ralph Fiennes, Nicholas Hoult…

 

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