Avatar : la voie de l'eau :  Na'vis aquatiques

Blockbuster / Treize ans après avoir fondé l’écosystème irénique de Pandora, James Cameron y retourne pour l’étendre… et le bousculer à nouveau. Un degré supérieur dans l’immersion visuelle et le spectaculaire grâce à des outils technologiques dantesques confectionnés sur-mesure pour ce perfectionniste, mais un récit qui, à force de syncrétisme de thèmes et de mythes, n’innove guère par ses arcs dramatiques.

Devenu chef de guerre na’vi dans la peau de son avatar, l’ancien marine Jake Sully a formé avec Neytiri une famille composée de quatre enfants — dont Kiri, fille née de l’avatar de la Dr Augustine. Après une dizaine d’années de paix, leur tranquillité est brutalement brisée par le retour des humains sur Pandora, notamment d’une troupe de na’vis hybrides clonés à partir de la mémoire du colonel Miles Quaritch et de ses hommes. Pour éviter leur vendetta et épargner son village, la famille Sully part demander asile à une communauté na’vi vivant en harmonie, non avec la forêt comme eux, mais avec l’eau…

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Il en va des sagas comme des êtres vivants, qui bourgeonnent et se ramifient à partir d’une cellule fondamentale. Ou d’une spore pouvant demeurer des années en dormance sans rien perdre de son pouvoir germinatif ni de son patrimoine génétique. Dans l’ADN d’Avatar figure un monde (Pandora) où toute la biocénose est interconnectée et menacée par une espèce prédatrice (les Terriens). Dans ce nouveau chapitre, ce n’est plus seulement un minerai que nos congénères traquent mais un équivalent de cétacé pour sa glande aux vertus anti-âge (ce n’est pas si absurde : on recueille bien l’ambre gris des cachalots à des fins cosmétique). Le cadre n’est plus végétal mais liquide, les  Na’vis tirent davantage sur le vert… Bref, on procède par réplication mitotique et translation.

Translation également que le premier contact entre le néo-Quaritch et la bande à Sully (après une exposition un peu longue, où Cameron s’est fait plaisir avec ses décors) rappelant les embuscades des westerns. Translation également (mais de la guerre du Vietnam) quand Quaritch-Na’vi va terroriser les villageois et passe leurs demeures au lance-flamme pour les faire parler — l’hommage à Apocalypse now est même patent dans un plan ultérieur. Translations encore avec des motifs bibliques (loi Talion et jugement de Salomon ; conception mystérieuse donnant naissance à une enfant dotée de pouvoirs supra-normaux). Translation toujours, avec une variante du léviathanesque Moby Dick et d’un tout aussi teigneux Achab. On pourrait décliner à l’envi : ce n’est pas l’inventivité de son récit qu’Avatar 2 fera exploser le box-office.

Bon, sinon, c’est beau ?

Inutile de disserter à l’infini sur l’effet produit… par les effets. Cameron poursuit ici son inextinguible quête de beauté (bleutée ?) et d’innovations pour offrir une expérience audiovisuelle sans équivalent à ce jour : la bioluminescence des êtres de Pandora scintille, l’eau déploie une gamme de nuances iridescentes plus vraie que nature (sic)… Le système HFR (48 images par seconde) offre d’ailleurs une résolution presque dérangeante puisque tout apparaît toujours trop net, au-delà des capacités de perception de l’œil. Davantage, ce serait du gaspillage ! D’ailleurs, cette capacité à illustrer un discours écologique vaguement new age en fabriquant par mimétisme un environnement totalement synthétique et virtuel a de quoi laisser songeur. Plus on avance dans l’œuvre de Cameron, plus la machine, l’IA, prennent le pas sur les prises de vues réelles et sur la forme. Recouverte par des surcouches esthétiques, la présence humaine tend à disparaître. Si on est ici à mille lieues du gore, du cyberpunk crasseux ou du charbonneux de ses œuvres d’antan, l’éclat et la splendeur de chaque frame sont autant de clous dorés fichés dans le cercueil de l’humanité. Cameron règle à sa façon le sort de ceux qu’il ne cesse de montrer nuisibles et vindicatifs. La métaphore de la sixième extinction de masse a donc la beauté du diable.

★★★☆☆ Avatar : la voie de l'eau de James Cameron (É.-U., 3h12) avec Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver…

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