Janvier : Retour vers le futur ?

Panorama / Comme un coup de rétro dans le museau : alors que l’année s’engage, une pelletée de films nous renvoie en arrière. N’est-ce pas là que le signe qu’il faut, encore et toujours, tirer des leçons du passé ?

On fait rarement de la bonne littérature avec des bons sentiments : une juste dose de conflits est indispensable pour pimenter les récits. Des conflits et même des guerres, on en trouve à foison sur les écrans de janvier, tout particulièrement celle de 1914-1918, quatre fois convoquée. Par Mathieu Vadepied pour Tirailleurs (04/01) dans lequel Omar Sy interprète — en langue peule — un berger africain engagé volontaire pour protéger son fils enrôlé de force dans un bataillon de tirailleurs sénégalais sur le front où le jeune homme prendra du galon et l’ascendant sur son géniteur… L’intérêt réside ici surtout dans la mise en lumière du sort de ces malheureux “Français-chair-à-canon“ oblitérés des représentations historiques, mais récupérés par les publicitaires pour vendre du chocolat en poudre ; le reste a été vu par ailleurs.

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Plus intéressante s’avère La Guerre des Lulus de Yann Samuell (18/01), tiré d’un cycle de BD signé Hautière & Hardoc, ou l’on suit les pérégrinations d’une troupe d’orphelins cherchant à gagner la Suisse en évitant la mitraille et en bénéficiant de l’aide de substituts parentaux occasionnels. Yann Samuell trouve ici l’esprit de Louis Pergaud qui manquait à son adaptation de La Guerre des Boutons.

Avec Interdit aux chiens et aux Italiens, (25/01) Alain Ughetto rend en stop motion un hommage émouvant à ses aïeux venus d’Italie pour fournir leurs mains de chantiers en chantiers, et leur vie de guerre en guerre, à commencer par la boucherie de 14. Poétique et sensible, jouant la carte de la transmission entre les personnages et l’auteur-récitant, ce magnifique film a — seulement — décroché le Prix du jury long métrage à Annecy en juin dernier. L’Envol de Pietro Marcello (11/01), pour finir, avec son protagoniste survivant des tranchées (voir par ailleurs).

Batailles ordinaires

Même en temps de paix, de puissantes tensions peuvent électriser la société, créant les conditions propices pour déclencher des histoires prenantes. Il en va ainsi des Survivants (04/01) premier long de Guillaume Renusson où un veuf dépressif se retrouve à escorter une réfugiée afghane sans papier à travers les Alpes enneigées, fuyant des identitaires. Malgré un sujet (hélas) guère original, farci de petites invraisemblances et doté d’une issue prévisible, le cinéaste livre deux séquences magistralement réalisées qui valent le détour.

On trouve encore des identitaires dans Les Rascals de Jimmy Laporal-Tresor (11/01) superbe évocation des années 1980 en banlieue parisienne, où des bandes s’affrontaient sur le terrain musical comme politique. Bon son et violents règlements de compte rythment cette piqûre de rappel résonnant étrangement avec nos années 2020. Le milieu familial y est aussi présenté comme une autre scène de conflits ; elle l’est tout autant dans Nos soleils (18/01), l’Ours d’Or signé Carla Simón où une famille de cultivateurs voit ses pêchers menacés par l’implantation de panneaux solaires et son unité fracturée par la possibilité de profit. La thématique n’est pas sans rappeler As Bestas de Sorogoyen, ni le roman Mohican de Fottorino.

Un tantinet plus au nord, dans les Landes, Éric Lartigau raconte avec Cet été-là (04/01), les grandes vacances étranges d’une pré-ado, hantée par différentes craintes et découvertes. Tiré d’un BD canadienne, le film cristallise avec tact beaucoup de deuils en rappelant parfois L’Effrontée.

Mais c’est dans Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi (18/01) que les querelles de famille sont les plus savoureuses puisqu’elles alimentent l’inspiration d’un romancier (campé par un Ramzy Bedia exceptionnel), obligé de nier avoir pris pour modèle ses proches quand le Prix Goncourt lui tombe sur le bec. Une comédie satirique d’une finesse absolue, à placer au même niveau que Mother d’Aronofsky dans le registre des œuvres traitant des affres de la création.

Enfin, parce que la famille peut (aussi) être le ferment de métamorphoses artistiques plus apaisées, signalons Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar, biopic romancé de la cheffe d’orchestre (et role model) Zahia Ziouani, ainsi que La Famille Asada de Ryôta Nakano — le portrait d’une famille fantasque acceptant de participer aux excentricités photographiques de l’un de ses fils, qui va se heurter au drame du tsunami de 2011. Tous les deux sortent le 25/01, ne choisissez pas entre maman et papa.

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