Janvier, 2.0.1.2

Après le déluge de cinéma familial pour Noël, janvier fait la part belle aux films «adultes», à sujets et à oscars. Le cru 2012 est déjà excellent, grâce aux nouveaux Cédric Kahn et Alexander Payne et à l'adaptation 2.0 de «Millénium» par David Fincher. Christophe Chabert


Pourquoi David Fincher a-t-il décidé d'adapter le premier tome du polar suédois de Stieg Larsson, lui qui, après The Social network, semblait s'aventurer vers un cinéma moins spectaculaire et plus «sérieux» ? Au bout de trente minutes de son Millénium (sortie le 18 janvier), la réponse saute aux yeux… La collision entre les deux parties du récit (celle du journaliste Blomkvist, interprété par Daniel Craig, et celle de Lisbeth Salander, rebelle punk et geek incarnée par Rooney Mara, magnétique et peu soucieuse du puritanisme hollywoodien) rejoue le thème central de son œuvre : le choc entre deux mondes, deux époques mais aussi deux cinémas. Par un puissant exercice de rythme (le film avance comme un cheval fou, même quand il se concentre sur l'enquête pépère de Blomkvist), Fincher  fait se rencontrer l'ère de l'argentique et du texte, et celle du numérique et de l'internet. Ce thriller 2.0 violent, sexy et palpitant, se double donc d'une nouvelle réflexion sur le triomphe du virtuel, mais aussi la solitude insondable qu'il engendre. Salander, Zuckerberg : même combat !

Crise existentielle vs crise économique

Un autre metteur en scène s'impose comme un des très bons auteurs américains contemporains : Alexander Payne. Avec The Descendants (sortie le 25 janvier), il retrouve le ton doux-amer de Sideways en faisant de George Clooney un avocat hawaïen dépassé par le coma de sa femme, mais surtout par la découverte de sa propre lâcheté. Payne maintient en permanence l'équilibre entre la tragédie et la comédie, pourfendant le culte de l'argent qui fait oublier à une communauté ses racines. Un beau film, où le cinéaste laisse presque de côté ses penchants satiristes et méchants. Après un mélo sentimental en milieu bourgeois (Les Regrets), Cédric Kahn revient à un cinéma social, implacable et coupant avec le formidable Une vie meilleure (sortie le 4 janvier). Sans pathos, il montre la chute dans la précarité d'un cuisinier et de sa copine, pris au piège des crédits revolving, des banques et des marchands de sommeil. Ça pourrait être lourd comme du Philippe Lioret ; c'est l'inverse, tant le scénario et la mise en scène ne s'appuient que sur l'urgence de l'action, faisant ressentir la brutalité d'un monde impitoyable avec les faibles. On dirait presque un film des frères Dardenne et, miracle, Guillaume Canet y est non seulement crédible (ce n'était pas gagné) mais aussi constamment juste et touchant.


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