Le MAM se pare de bleu

Le musée d'art moderne de saint Étienne annonce le printemps avec 4 nouvelles expositions, le déploiement des œuvres de Jan Fabre artiste polymorphe contesté pour son audace anarchiste, la venue de Kimsooja et d'Isabel Nolan qui signe sa première exposition personnelle muséale «hole in the future», et enfin l'invitation à l'occasion de l'exposition local line 10 de quatre artistes coréens et de quatre artistes locaux.


L'entrée du musée est sertie d'une composition de 12 panneaux Le pouvoir et la mort de l'Heure Bleue de Jan Fabre. Réalisée spécialement pour l'occasion, elle embrasse l'incroyable acharnement du recouvrement de ses supports entièrement réalisés au bic bleu entre 1977 et 1992, Les années de l'Heure Bleue, qui émerge au cœur du musée. 25 ans d'une "encyclopédie sur l'attente narrative" comme le souligne Lóránd Hegyi directeur du musée d'art moderne. L'Heure Bleue, comme moment entre deux, du rêve et de l'éveil. Jan Fabre illustre la participation d'autres individus dans la réalisation de ses œuvres avec la métaphore de l'observation des cheminements que tracent les insectes. Il part du principe que l'œuvre est en quelque sorte «un rhizome qu'il prolonge», qu'il concède à la pluralité des chemins pour aller vers une ouverture de la symbolique.

Boulversement

La transparence du travail compassionnel de l'artiste Kimsooja bouleverse notre perception spatio-temporelle. Elle propose ses vidéos comme ses œuvres Bottari,  composées de ballotins de tissus noués, l'union de morceaux de réalité qu'elle transporte avec elle à travers le monde. Kimsooja, considère la caméra comme un moyen d'envelopper le monde qui la traverse et l'entoure. A Needle Woman, projection de six vidéos alignées en simultané, six lieux de passage : Nepal, Israel, Tchad, Brésil, Yemen et Cuba. Kimsooja réalise une performance sans protection, dans un bain de foule. Elle se statufie dos à la caméra, face au défilement des corps. La femme aiguille,  et le ralentissement de l'image, nous transporte et nous soulève au cœur de la contemplation. Avec la vidéo Bottari : Alfa Beach, Kimsooja offre une dimension d'un horizon inversé, celle d'une plage connue dans le passé pour ses transits d'esclaves. En retournant l'image, ciel en bas et plage en haut, elle évoque «ce désir de revenir en arrière qu'on pu ressentir les esclaves». Isabel Nolan, qui a déjà participé à l'exposition Fragile en 2009 présente, quant à elle, une série de dessins, de peintures et de sculptures avec un choix de matériaux pauvres. La sculpture enlace le creux de la perception, entrelacs épurés de cordons, formes souples et fragiles, la forme suggère, elle est sculptée dans la vision du devenir.

Si tu ne viens pas à la Corée…

L'exposition Local line 10 offre une visibilité des œuvres d'artistes de Corée du sud au contact de celles d'artistes locaux, en résonance à l'invitation l'an dernier de six artistes Stéphanois dont Frank Lestard au Museum of arts de Daejon, aux côtés de six artistes de Daejon. La collaboration des deux musées se prolonge avec le déplacement du local à l'international, un échange sur la diffusion comme sur la production actuelle de l'art. Une entrée en matière délicate, avec le travail de Park Hae-Kyung : ses pièces monochromes pansées de bandelettes sont des trames de lectures, qui ravivent le tissage esthétique traditionnel vers une pratique contemporaine. Nous feront la découverte de l'approche discrète du confort chez Hyun Wook Kang qui interroge l'exil avec la présentation d'une vidéo de 7min No dit qoui ? (on dit quoi ?) où un couple composé d'un Coréen et d'une chinoise, converse en français. Au détour des arythmies segmentées du parcours de Jee Soo Kim Daily Drawing, collage, acrylique et crayon sur papier, nous croiseront les espaces narratifs de l'artiste Sylvia Marquet avec A Alexandre Pavlovitch Lobanov, 2009,  où elle rend hommage à l'artiste Russe de l'art brut interné et décédé en hôpital psychiatrique en 2003. Sylvia Marquet amène le regard sur une œuvre diptyque : une lettre échotique, un monologue encadrant un dessin constitué de collages de calques. Les peintures d'Elzévir proposent, elles, des prélèvements d'attitudes croquées à la gouache : la figuration de corps épinglés au centre d'espaces vierges, esquisses d'émotions, prêts à être recomposés par le regard. Plus loin, l'artiste Gaëlle Vicherd nous invite à la participation. Elle projette une vidéo sur le processus de  composition du passage de l'état de roman au film d'adaptation, une tentative de traduire l'interstice situé entre les images évoquées à la lecture et celles de l'idéalisation cinématographique de la mise en scène. Enfin, l'effort de concentration du projet méticuleux d'archives de détails d'Eric Manigaud, dessine avec minutie des transpositions de motifs à partir de photographies. Une recherche commémorative qui se poursuit avec l'évocation de la sobriété des manuscrits dans l'œuvre de Yeon Min Chung, qui trace un cadre organique. Yeon Min Chung questionne la mémoire avec le choix  matériel vers le spirituel de l'ornement précieux des trames de bois sur toile. Le Musée d'art moderne nous invite au voyage contemplatif à travers l'équilibre d'un panel d'artistes d'ici et d'ailleurs. Alliant observation et introspection au service de la matière, le MAM inspire le précieux présent du chemin vers la spiritualité.


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