Les Adieux à l'hiver

Petit mois de mars dans les salles, où le cinéma français fait feu de tout bois, entre déceptions et bonnes surprises, notamment un surprenant documentaire culinaire très loin de Master chef ! Christophe Chabert


La saison des films à oscar s'achevant et les distributeurs retenant leur souffle avant Cannes, le mois de mars est traditionnellement une période un peu creuse. Le cinéma français, dont on nous chante matin, midi et soir qu'il est en pleine forme, le confirme quantitativement avec un nombre impressionnant de sorties. Il y a, parmi elles, de grosses déceptions : Lucas Belvaux notamment qui avec 38 témoins fait basculer son cinéma, jusqu'ici subtil, dans la démonstration accablante. Adapté de Didier Decoin, le film pointe la lâcheté collective qui conduit un groupe humain à choisir le silence plutôt que l'action en présence d'un crime troublant son petit confort. La mise en scène au scalpel impressionne au début, mais les dialogues pontifiants et dépourvus de quotidienneté et un Yvan Attal atone lestent 38 témoins (14 mars) d'une gravité assommante. Quant à Julie Delpy, la suite qu'elle propose à son amusant 2 days in paris (2 days in New York, 21 mars) n'en retrouve ni la fraîcheur, ni la spontanéité. Au contraire, plus elle cherche à en recréer l'alchimie, plus elle se contente d'en imiter la formule. Restent quelques passages cocasses et une guest star inattendue (qu'on ne révèlera pas !).

La guerre des étoiles

Après son téléfilm régionaliste Le Fils de l'épicier, Éric Guirado revient à un cinéma sombre et engagé avec Possessions (7 mars). S'inspirant de l'affaire Flactif, il montre le gouffre qui se creuse entre ceux qui ont tout et ceux qui leur donnent le peu qu'ils ont. Porté par de très bons choix de casting (Jérémie Rénier et Julie Depardieu en couple beauf face à Alexandra Lamy et Lucien Jean-Baptiste en couple de nantis) et de belles idées de mise en scène, Guirado transforme le fait-divers en tragédie sociale, pas rassurante pour un rond. Benoît Jacquot, lui, plonge dans l'histoire avec un grand H en filmant le crépuscule du règne de Marie-Antoinette à travers les yeux de sa liseuse dans Les Adieux à la Reine (21 mars). Si on oublie un dialogue trop littéraire et le côté bal costumé de la reconstitution, il faut reconnaître que Jacquot est à son meilleur pour filmer le trouble trio érotique composé par la Reine (Diane Krüger), sa maîtresse (Virginie Ledoyen, magnifique) et sa servante (Léa Seydoux, comme toujours excellente). Le film le plus étonnant du mois est un documentaire sur les Bras ; rien d'anatomique là-dedans, mais une histoire de transmission difficile entre un père, restaurateur triplement étoilé, et son fils. Celui-ci ne veut pas décevoir un père perfectionniste, tatillon, fébrile face à cet héritage compliqué. La caméra de Paul Lacoste trouve un équivalent filmique à la méticulosité de ces deux artistes de la gastronomie, et Entre les Bras (14 mars) est une démonstration que le documentaire sur grand écran a de beaux jours devant lui.


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Elena