Question(s) d'anticipation

L'exposition Politique fiction cherche a nous sensibiliser à la “déterritorialisation“ du design. Là où le design est souvent cantonné au système capitaliste de production, l'exposition explore le parcours de designers qui ont décidé d'utiliser leur place au sein de ce système pour le parasiter. Alexandra Midal, commissaire de l'exposition, également auteur de l'ouvrage Politique Fiction conçu spécialement pour l'exposition la présente comme « une invitation à mesurer l'importance et le pouvoir de la fiction mis au service de la contestation par les designers. »


Loin d'un discours élitiste, l'exposition Politique Fiction s'adresse au grand public. Au point que l'exposition de la Cité du design est pensée de manière à faire bouger le design a notre place. La scénographie d'Adrien Rovero est un gigantesque plateau circulaire tournant qui défile lentement devant les visiteurs, présentant dans plusieurs alcôves les dessins, films, meubles, installations et manifestes exposés. Chez Enzo Mari le design doit être abordable par tous et l'utilité de l'objet doit être le critère premier ; ses meubles sont pratiques et fonctionnels, plus incisif qu'Ikea, avec Proposta per autoprogettazione (1974), il réalisa une série de mode d'emploi gratuits pour construire son propre mobilier dessiné par Mari. Un processus intéractif où le public détournait ainsi les circuits de la distribution. En opposition à Enzo Mari, les radicaux florentins de Superstudio, connus pour leurs utopies urbaines et sociales souvent illustrées par photomontage : ils proposaient des images a valeur de matière à réflexion, de support à débat, en vue de repenser la ville et la manière de la produire. Dans l'oeuvre d'une ville hybride First City: 2, 000-ton City, de 1971, le paysage est semblable a celui du Meilleur des Mondes d'Huxcley, et leur mobilier communiquant nous plonge chez Cronenberg. «L'analyseur choisit, compare et interprète les désirs de chaque individu, et programme la vie de la ville toute entière à chaque instant.»

Qu'en est-il des créateurs contemporains ?

Nous découvrirons la pertinence d'engagements plus récents avec Noam Toran et ses objets-fictions, quasi vivants, à mi-chemin entre le monde des objets et celui des humains. Designer à la recherche de choses qui répondraient à nos besoins psychologiques, il s'intéresse aux relations entre cinéma et design, répertorie des objets significatifs dans des films, qui contribuent à la narration, s'approprie la dimension culturelle qui les caractérise et créé de nouveaux objets principaux protagonistes de ses films. L'agence R&Sie, outil de production critique, se questionne sur la possibilté de concevoir des structures urbaines capables de réagir au facteur humain. Selon François Roche, co-fondateur de l'agence, «la ville contemporaine (européenne) se formate sous Windows, sans possibilités d'accès aux sources de programmation (Linux)». Pour résumer, l'autorité contrôle l'espace pour mieux verrouiller notre avenir. Tandis que L' atelier Van Lieshout (AVL), au dispositif dépourvu de système hiérarchique, réinvente la notion de «frontières». Comparable à un laboratoire, ce sont des professionnels de l'art contemporain, du design, de l'architecture, de la menuiserie et de la finance qui interagissent. AVL dépasse la fonction esthétique pour proposer des œuvres à vivre et à expérimenter, comme avec son projet AVL-Ville, véritable Etat indépendant créé au sein de Rotterdam et Slave City. AVL propose un projet utopique dont l'ambition est de mettre à jour un camp de concentration en utilisant les derniers outils et techniques du management.

Bâtiments et bêtes imaginaires…

Dans la meme lignée, Didier Faustino souhaite intégrer le dysfonctionnement comme vecteur de production de l'espace. Avec One Square Meter House 2, il questionne le mouvement de contrainte du corps à travers une tour de 17m de haut qui n'occupe qu'1 m2 au sol. Enfin, la plus jeune des participante, Marguerite Humeau réalise un pont entre la science et ses recherches gorgées de fiction. Elle présentera dans cette exposition "The Rebirth of prehistoric creatures" (Act 2 - Performance) où elle ressuscite les sons d'animaux éteints en reconstruisant leurs étendues vocales. Elle restaure la voix de ses créatures en connectant ses structures a la respiration artificielle d'un compresseur d'air, une recherche vaste en collaboration avec des paléontologues, zoologistes, vétérinaires, et des ingénieurs, des chirurgiens, des spécialistes de la gorge et des radiologues. La Cité du design signe une véritable exposition de recherches interactives, de l'origine fonctionnelle du design vers ses ramifications alternatives à notre société. Et fait appel au design et aux fictions comme des outils pour recréer des espaces innovants où le spectateur est appelé à interagir.


<< article précédent
Full of love