En direct et en différé

La saison cinéma sera, du côté du Méliès et du France, l'occasion de sortir du flot infernal des sorties pour faire des pauses avec des réalisateurs, des retours en arrière sur l'Histoire du cinéma ou simplement de prolonger de manière décalée l'expérience du film. Christophe Chabert


Le premier événement de taille de cette saison cinéma aura lieu au Méliès le mercredi 11 septembre : les spectateurs pourront en effet converser avec rien moins que le grand William Friedkin. Le réalisateur de French connection et L'Exorciste, qui vient de fêter ses 77 printemps, revient en force avec Killer Joe, une comédie très très noire où une famille de Texans vénaux et méchants engagent un flic ripou pour liquider la mère divorcée afin de toucher son assurance-vie. Le tueur (Matthew McConaughey, star de la rentrée cinéma grâce à ses prestations habitées dans Magic Mike, Paperboy et Mud) exige toutefois une «caution» : la virginité de Dottie, la jeune et pas encore pervertie fille de la famille. Friedkin inaugure ce qui s'annonce comme un des rendez-vous phares du Méliès : Skype me if you can. En direct depuis chez lui via Skype, le cinéaste répondra donc aux questions du public et, si l'on en croit ses récentes interviews, cela devrait être passionnant. En octobre, c'est le réalisateur de House of boys, Jean-Claude Schlim, qui se prêtera à l'exercice, en partenariat avec le festival de cinéma gay et lesbien Face à face dont la huitième édition aura lieu du 22 au 25 novembre.

Longs courts

En parlant de festival, Le Méliès accueille du 13 au 15 septembre la première édition de Tournez court, qui mettra le court-métrage au cœur de la cinéphilie stéphanoise. Le programme est du genre costaud, avec plus de trente films présentés en 48 heures, avec en guise d'événement d'ouverture la projection de La Bifle de Jean-Baptiste Saurel, petite sensation de la dernière Quinzaine des réalisateurs cannoise. Le Méliès poursuit aussi sa collaboration au long cours avec l'association Mes Couilles Dans Ton Slip (que, par pruderie, on commence à réduire à ses initiales MCDTS) pour les soirées Pop corn. Premier rendez-vous le 28 septembre à 21h avec le mythique Ghostbusters (qu'on n'appelle plus guère par son titre français S.O.S. fantômes), du pop corn à volonté et un after au café du cinéma dans la foulée. Enfin, Le Méliès et Le France s'unissent pour proposer un cycle consacré au Cinéma des antipodes du 19 au 22 septembre, avec la reprise de quelques films australiens et néo-zélandais récents comme Le Chemin de la liberté, Samson et Delilah ou Les Saphirs. En ouverture, le chef-d'œuvre de Peter Weir Picnic à Hanging rock, véritable rêve cinématographique inspiré d'une histoire vraie, la disparition mystérieuse de quelques jeunes filles lors d'une sortie scolaire au pied d'une falaise escarpée au début du XIXe siècle. Le film est tout aussi mystérieux, envisageant le monde et les êtres comme le produit de forces telluriques et mettant en scène l'énigme comme une odyssée psychédélique.

John et Michael

Pour rester dans l'histoire du cinéma, Le Méliès inaugure en septembre son nouvel équipement numérique (longtemps attendu et devenu impératif) avec les versions restaurées en haute définition de cinq films de John Cassavetes : Shadows, Faces, Une femme sous influence, Meurtre d'un bookmaker chinois et Opening night. Ces cinq œuvres clés sont à la source de la redécouverte, à la fin des années 80, d'un cinéaste majeur, à la recherche d'une vérité humaine par un patient travail de direction d'acteurs cherchant à effacer la frontière entre le jeu et la réalité. Qu'il s'engage dans une relecture du film noir (Meurtre d'un bookmaker chinois), qu'il fasse le portrait d'une épouse borderline (Une femme sous influence), qu'il traite à sa manière la question du racisme (Shadows) ou qu'il réfléchisse à son propre rapport à l'art et à la représentation (Opening night), Cassavetes ne dévie jamais de sa ligne, où il s'agit de saisir dans la durée les flux et les reflux des émotions primaires : colère, peur, tristesse et joie, souvent mêlées dans un tourbillon déchirant. En octobre, c'est Michael Haneke qui sera à l'honneur, avec la sortie d'Amour, mais aussi la reprise de sa trilogie de la glaciation (Le Septième continent, Benny's video, 71 fragments d'une chronologie du hasard) et quelques-unes de ses œuvres majeures (Funny games, La Pianiste, Le Ruban blanc). Ce cycle sera enfin l'occasion de saluer la sortie du livre d'entretiens réalisés par l'excellent Michel Cieutat, le premier ouvrage d'importance consacré à Haneke, désormais membre du club très fermé des cinéastes aux deux Palmes d'or. Ça s'appelle être au cœur de l'événement, et on en parlera en détail dans notre prochain numéro…


<< article précédent
Pascal Pacaly, le rock au bout de la plume