La permission de minuit

A partir du 25 octobre, l'Opéra-théâtre fera revivre "Cendrillon", opéra féerique parfaitement maîtrisé d'un Massenet au sommet de sa gloire. L'occasion pour les amoureux de grandes voix d'entendre Ewa Podles dans le rôle de la marâtre Mme de la Haltière. Alain Koenig


Lorsqu'il s'engage dans la composition de Cendrillon sur un livret d'Henri Cain, Massenet est riche et célèbre. Certains des plus beaux ouvrages de l'illustre  stéphanois, comme Werther, Manon ou Thaïs lui ont permis d'entrer dans le club très restreint des compositeurs à succès et, c'est donc une «pointure» si j'ose dire, qui se lance en 1895, à la recherche de la pantoufle de vair…Il faudra attendre quatre ans pour que Cendrillon puisse aller au bal. La salle de l'Opéra-Comique, alors éclairée au gaz ayant été réduite en cendres, c'est dans une salle Favart entièrement rénovée et faisant appel aux technologies les plus modernes–la «fée électricité»-que sera donnée la première de ce grand opéra d'un des compositeurs français les plus célébrés de son époque. Atypique, cette Cendrillon l'est à bien des égards. Les clins d'œil au siècle de Louis XIV, Molière et Charles Perrault sont légion. Le regain d'intérêt de cette seconde moitié de siècle pour le conte et la tradition orale française, répudiant le frisson exotique des «turqueries» du XVIIIème siècle est à son comble. 

Un magicien planétaire

Génie du théâtre musical, Massenet recourt dans cette oeuvre à tous les procédés musicaux et dramatiques qui font sa signature : Noémie et Dorothée, les belles-sœurs de Cendrillon, ne chantent qu'ensemble, répétant en écho les derniers mots de leur mère. Graduellement, elles disparaissent de la partition pour ne plus répéter que le mot «maman». Le personnage de la fée est identifié musicalement par un langage très orné-trilles et vocalises-accentuant le caractère étrange et magique. Le prince est un rôle travesti renouant avec la tradition de Chérubin. On l'aura compris Cendrillon est un opéra à voir en famille, bien que de facture extrêmement sophistiquée. N'est-ce pas là la marque des grands génies (on pense à La Flûte Enchantée) que de savoir donner à entendre, à voir et à comprendre pour tous les âges de la vie ? Le reste du monde aime Massenet. Il n'est pas de saison digne de ce nom à Covent Garden, au Met, à Sydney ou à Berlin sans un Werther, une Thaïs ou un Don Quichotte produits avec les plus grandes voix de la planète. Qu'attend la France pour sortir enfin de plus de soixante ans de tyrannie boulézienne, et arrêter de se pincer le nez devant l'un des sauveurs de notre balance commerciale ? Un stéphanois de Montaud !

À partir du 21 octobre, Opéra-théâtre de Saint Etienne. 


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