Lebel, l'ogre rebelle


Parallèlement à l'exposition Fluxus, un sacré personnage occupe les espaces du Cabinet d'arts graphiques du MAM. A 76 ans, Jean-Jacques Lebel écume encore de rage contre le racisme et la bêtise guerrière en présentant aux journalistes son émouvant « Hommage aux poilus bricoleurs anonymes ». Soit des centaines de douilles d'obus ou de balles ouvragées (en lampes, vases, bocks à bière, crucifix, pipes à opium…) par des soldats désœuvrés de toutes nationalités. Ironie de l'histoire, certains de ces soldats étaient armés d'un fusil… Lebel ! L'artiste dit avoir fait trois rencontres décisives dans sa vie : Billie Holiday, Marcel Duchamp et André Breton dont il fut proche (« je lui dois tout » dit-il encore aujourd'hui). Globe-trotter nomade et curieux de tout, Jean-Jacques Lebel fréquenta aussi Fluxus (Robert Filliou, Nam June Paik…) et d'autres mouvements, publia de nombreux ouvrages, s'adonna à d'innombrables happenings, inventa en 1964 « Le Festival de la libre expression » entremêlant toutes les formes d'expressions artistiques et tous les horizons géographiques… Et, concomitamment, avec une énergie et un appétit de créer rares, développa sa propre œuvre plastique protéiforme. Le MAM présente essentiellement des peintures, des dessins et des collages où les formes imaginaires dansent avec des coupures de journaux et des publicités, où le sexe s'abouche à la politique, et où la provocation (il est possible d'uriner sur certaines œuvres !) n'enlève rien au brio plastique. Pour comprendre comment fonctionne le cerveau électrique de Lebel, on vous conseille de découvrir sa « Psycho-Tête » (1964), superbe (auto ?) portrait à l'encre de Chine d'obédience surréaliste. « On peut lire dans ses formes (comme dans les lignes de la main) la démarche d'un homme engagé sang et vie dans une quête qui est trop souvent aujourd'hui un emploi oisif ou utilitaire : l'art » disait de lui, déjà en 1961, l'artiste Victor Brauner.

Jean-Jacques Lebel jusqu'au 27 janvier au Musée d'art moderne.
Catalogue J-J. Lebel aux éditions Silvana Editoriale, 94 p., 15€


<< article précédent
Fluxus, l’art c’est la vie