La parole est aux ogres

Gilles Granouillet a revisité le conte de Perrault pour livrer une pièce de théâtre riche en questionnements. L'auteur et metteur en scène stéphanois pose la question du père, de son rôle et de sa présence dans une adaptation où une fille d'ogre n'a pas à devenir une ogresse.


Le titre serait finalement trompeur! Si Poucet (interprété par Grégoire Blanchon) traîne bien dans les parages, il ne serait qu'un négatif permettant de dévoiler la photographie, un Judas qui serait là pour favoriser l'avènement du Jésus en Christ. Cette version visitée et repensée par Gilles Granouillet ne cherche pas le "happy end", celle conçue par Perrault pour que Poucet ait la vie sauve au détriment de la vie des filles de l'ogre. En se focalisant sur la vie de l'une des ogresses, l'auteur nous propose une réflexion subtile sur la réappropriation de son destin, la non-reproduction filiale et interroge la place du père et de son autorité dans des familles dont il est régulièrement absent dans notre société. Ce Poucet pour les grands s'arrête le temps d'une représentation pour nous montrer la fille ogresse en train de lire le conte du Petit Poucet, son propre conte finalement, et déjà être au courant de la suite des évènements. Pourtant les signes dissonnants sont déjà bien présents. Au-delà du fait qu'elle lise quand le reste de ses soeurs s'émancipe dans les imbicilités, cette jeune ogresse (interprétée par Clémentine Lebocey) est également végétarienne. Ce qui peut être en effet légèrement problématique dans une famille d'ogre. 

Ambigüité maternelle et absence paternelle

Le stratagème scénique permet d'organiser les moments à l'extérieur dans le bois et à l'intérieur dans la maison de l'ogre de manière simple et efficace, la musique aidant à cela. Le public se trouve doucement conquis par un bord de scène scellant la rencontre entre Poucet et l'ogresse. Il découvrira un intérieur tout en fourrure quand il s'agira de pénétrer la demeure des ogres. Une maison où le père ne se fait entendre que par voix off et jamais voir et où la mère campée par Léopoldine Hummel demeure dans cette ambigüité qui intrigue et interroge quant à l'influence paternelle. Si cette pièce jeune public interpelle sur le thème de la construction de sa propre vie, elle met également en exergue la complexité de ce qe l'on sait ou ne sait pas de ses parents. A ce titre, Gilles Granouillet nous livre ici une pièce de théâtre qui sait s'inspirer d'un conte et s'appuyer dessus pour en témoigner ses propres remises en question. Une occasion réussie de faire grandir le conte de Perrault. 

Poucet pour les grands, 16 mars, 20h30, Le Sou, La Talaudière


<< article précédent
Pinocchio