Il était une foi…

Un feu d'artifices de films majeurs en mars : Korine, Malick, Cianfrance, Jaoui et Bacri… C'est très simple, si vous n'allez pas au cinéma ce mois-ci, c'est que vous n'aimez pas ça. Christophe Chabert


A priori, rien ne rapproche Spring Breakers (6 mars) de l'enfant terrible Harmony Korine et À la merveille de Terrence Malick (13 mars). D'un côté, la virée sexe, drogues et dubstep dans une Floride de tous les excès de quatre bimbos (débauchées de chez Disney) de la classe moyenne, qui s'improvisent braqueuses pour s'offrir un «Spring break» avant de tomber sous le charme vénéneux d'un dealer-gangster-rappeur surnommé Alien (un James Franco monstrueux). À l'arrivée, un trip narcotique à la narration déconstruite et aux images hallucinées, que l'on peut voir comme une version très libre du Magicien d'Oz. Korine a en commun avec Malick (dont il est grand fan) de chercher la sidération visuelle permanente, un cinéma du fragment et de la beauté pure qui raconte par l'image les états des personnages en les fondant dans leur environnement. Avec À la merveille, Malick s'intéresse à l'amour sous toutes ses formes (d'une femme ou de Dieu), qu'il regarde comme une marée montante et descendante — ce n'est pas pour rien si «la merveille» du titre désigne le Mont Saint-Michel. Le film est sublime, élégiaque et profond, riche de nombreux motifs ; il est aussi, pour la première fois chez le cinéaste, parfaitement contemporain. Malick filme notre monde dans ce qu'il a de plus trivial, mais chacune de ses images est comme un réenchantement de la réalité, un miracle dont l'incarnation serait Olga Kurylenko, fabuleuse de liberté, de sensualité et de naturel.

Contes défaits

Après ces deux monstres, on baisse d'un petit cran avec le nouveau film de Derek Cianfrance, The Place beyond the pines (20 mars). Quoique, l'ambition du film est assez colossale, à savoir remettre du romanesque dans le cinéma indépendant américain à travers une audacieuse structure en trois parties qu'il convient de ne pas trop révéler. Disons juste que si le scénario est virtuose (un peu trop, c'est sa limite), la mise en scène s'avère très inspirée, faisant le pont entre cinéma des marges 70's et réalisme contemporain. Quant aux trois acteurs (Gossling, Mendes et Cooper), ils font oublier leurs prestations récentes, plutôt ternes. Enfin, recommandons le dernier Jaoui-Bacri, Au bout du conte (6 mars). On y retrouve ce qu'on aime chez eux (le dialogue vif, le regard aiguisé sur la France contemporaine, et puis eux deux acteurs, formidables), mais le film y juxtapose une très ludique vision de la jeunesse éblouie par l'illusion immémoriale du conte de fées. Beaucoup plus libre stylistiquement que leurs œuvres précédentes, Au bout du conte y gagne une fraîcheur nouvelle, même si le fond reste toujours aussi dépressif et lucide — on ne se refait pas, et c'est tant mieux !


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