Lhopital, sous l'aile des métamorphoses

Au Musée d'art moderne, aux côtés de Barthélémy Toguo et de Charlotte Perriant, Christian Lhopital déplie son univers onirique et monstrueux, drôle et cafardeux. Où la ligne et le dessin ne cessent de se métamorphoser. Jean-Emmanuel Denave


Splendeur et désolation, l'exposition de dessins de Christian Lhopital (né en 1953, vivant à Lyon), s'ouvre sur de curieux portraits de familles… Des personnages aux contours tremblés, mi-animaux mi-humains, tachetés d'une matière rose ressemblant à du chewing-gum. «Les regards qui nous font face tentent de percer l'espace, et notre perception est brouillée par les formes roses qui dansent au premier plan» déclare l'artiste. On retrouvera ailleurs cette thématique du mouvement dansé, et très vite aussi ce motif du regard qui perce, d'yeux protubérants et globuleux qui vont jusqu'à constituer des figures autonomes, hantant quelques marécages brumeux ou se démultipliant en toutes sortes d'échos à teneur organique.

«Dans notre rapport aux choses, tel qu'il est constitué par la voie de la vision, et ordonné dans les figures de la représentation, quelque chose glisse, passe, se transmet, d'étage en étage, pour y être toujours à quelque degré éludé – c'est ce qui s'appelle le regard» enseignait Lacan. Les dessins de Lhopital se situent dans ces entre-deux du désir et de la métamorphose où les formes et les identités, non encore fixées, ne cessent de glisser, de jouer, de danser.

Des châsses aux… papillons

Dans cette vie quasi fœtale, dans ces espaces de limbes flottantes, le réel se délite, s'entremêle à ses doubles, ses reflets, ses ectoplasmes (tout est peu ou prou fantomatique, hanté, chez Christian Lhopital), ses possibles. Splendeur et désolation mêlées. Vie et mort enlacées. Rires et larmes mélangées. Les petits dessins des séries Dispersion, Hors de lui et Expérience limite le montrent avec une force et une liberté particulièrement fascinantes. Une silhouette de corps humain à l'encre noire y danse, par exemple, autour du buste diaphane d'un squelette, composant en mouvement l'un des plus beaux dessins de l'artiste...

La série éponyme de l'exposition, Splendeur et désolation, est née d'un texte de Georges Didi-Huberman à propos des papillons. Parmi des limbes grisâtres, des enfants hydrocéphales «dansent» et se meuvent dans ces grands dessins en compagnie de papillons colorés. «Je me disais : c'est prendre un risque que de dessiner des papillons. Est-ce que je peux prendre ce risque d'être toujours sur un fil, car il y a de ça dans mon travail, être sur un fil entre le mauvais goût, l'illustration, le fantastique, le fantasque ou le jeu». Les Grecs nommaient les papillons “psychés“,  comme le souffle qui passe, les âmes errantes, l'ombre furtive, la mort qui rôde au creux même de l'éphémère et de la beauté d'une vie…

Christian Lhopital, Splendeur et désolation, jusqu'au 26 mai au Musée d'art moderne


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