En avril, ne te découvre pas d'un film

En mars, on ne savait plus où donner de la tête face à la prolifération de grands films ; en avril, c'est un peu la disette pré-Cannes. Du coup, on se console avec quelques petits films à la fois aboutis et frustrants. Christophe Chabert


Steven Soderbergh, Wong Kar-Wai, Michel Gondry. Dans l'absolu, ce n'est pas mal comme programme pour un mois d'avril. Mais comme on n'a pas encore vu leurs nouveaux films (respectivement Effets secondaires, The Grandmaster et L'Écume des jours), il faut aller fouiller dans les recoins des sorties pour dénicher quelques pépites.

Commençons par Le Temps de l'aventure de Jérôme Bonnel. À la manière d'un Emmanuel Mouret, Bonnel se fait petit à petit une niche dans le cinéma français, poursuivant un projet têtu qui peut conduire à de vraies réussites (La Dame de trèfle) ou à des semis échecs (son précédent J'attends quelqu'un). Le Temps de l'aventure applique un programme très hexagonal : une comédienne (Emmanuelle Devos, que Bonnel filme avec une certaine fascination), en couple et bientôt mère, rencontre par hasard dans un train un séduisant anglais (Gabriel Byrne, visiblement transféré en équipe de France après Le Capital) et va vivre avec lui une «aventure» sentimentale, brève comme du David Lean, chaude comme un début d'été — le film se passe le 21 juin. Tout cela est écrit et mis en scène avec une réelle délicatesse, même si Bonnel est un peu rattrapé sur la fin par les conventions de son sujet.

Le feu sous la glace

Il y a quatre ans, le cinéphile français découvrait qu'en Grèce, il y avait une alternative à Théo Angelopoulos grâce au fabuleux Canine de Yorgos Lanthimos. Sorte de croisement entre Groland et Michael Haneke, le film avait impressionné par ses qualités formelles et l'audace de son propos. Alps (10 avril), nouveau film de Lanthimos, ne réitère pas l'exploit, même si on sent une fois encore que ce cinéaste-là a de l'avenir. Le pitch est extraordinaire : une espèce de société secrète décide de fournir un service à des personnes récemment endeuillées en prenant temporairement la place de leurs chers disparus. Lanthimos amène son argument avec un certain brouillard narratif et des tableaux un peu trop connotés cinéma d'auteur mondialisé. Mais une fois les éléments en place, le film prolonge les thèmes de Canine : le repli sur soi, la compétition, la peur de la réalité et le besoin mortel d'être aimé. Alps dégage un charme vénéneux qui met du temps à se dissiper. Ça s'appelle le malaise et ça fait (bizarrement) du bien.


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