L'opéra du pauvre version Py

Née il y a plus de 25 ans, Miss Knife excelle dans l'œuvre de Olivier Py pour son exubérance et son débordement poétique. Un moment de cabaret-théâtre fort en chansons et où le travestissement se transcende pour porter haut la parole du poète. Grégory Bonnefont


Trop ! Trop de maquillage et trop de strass. De la grandiloquence dans le propos et un habit de scène fait de plumes et de corset. Tous les ingrédients de l'excès déterminent la présence de Miss Knife. Qui est-elle ? L'alter égo de Olivier Py. L'institutionnel, le directeur trouve dans le travestissement l'instinct de survie, la faille à pénétrer pour trouver la libération de sa parole sienne, son verbe si personnel qu'il sait si bien conjuguer avec ce personnage travelo si joyeusement assumé.

Du théâtre oui ! Mais pas n'importe lequel, un théâtre chanté autour d'une vingtaine de compositions. Une manière originale de s'approprier la parole et la dompter. Et puis parce que le temps d'une chanson, le sens s'incarne parfaitement pour laisser libre cours à la souffrance et à la mélancolie. Entourée de quatre musiciens Miss Knife se transcende sur les routes de France pour interpréter dès l'Ouverture la vie d'artiste dans un théâtre noir... de monde. Miss Knife c'est la voix de la transcendance par le travestissement, la convocation du poète quand le rôle est trop court. Et quand elle nous dit Ne parlez pas d'amour c'est pour finalement mieux en parler et retrouver une connexion avec le public et lui offrir la parole de la vie.

Miss Night sort sa lame

Quelque part entre la valse de l'espérance et la chanson de l'Apocalypse, Miss Knight entonne le châtiment de la nuit. Le décor cabaret n'est pas anodin et l'on croirait entendre au lointain la psalmodie légère et tourmentée de Léo Ferré dans son Opéra du pauvre. Miss Knife ne serait-elle pas une autre Miss Night, accusée à tort d'avoir tué la Dame Ombre ? Si c'est elle, elle nous revient plus tranchante, l'âme blanche dévoilée pour nous dire Tous coupables. Coupables de ne pas suffisamment exister, coupables de ne pas exprimer la lumière de nos vies enterrée dans les tréfonds de l'âme.

Alors le trop en question se justifierait pour provoquer le choc, l'attention, l'écoute et le procès en euphémisme notoire devient théâtre. Comme à son habitude, Olivier Py déborde. Il déborde de talents et déborde le cadre autorisé. Les gants peuvent alors être enlevés et aux larmes de couler sur le visage maquillé. Au miracle de se réaliser, le théâtre alter égo de la société fait renaître de ses cendres le Paradis perdu et désenchanté.

Miss Knife, les 15 et 16 mai, 20h, Comédie de Saint-Étienne (Théâtre Jean Dasté)


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