Fassbinder révèle Gautier Marchado

Le jeune élève de Lynda Devanneaux au Conservatoire, Gautier Marchado, se lance corps et âme dans la mise en scène. Entouré d'autres élèves dans le collectif "L'Esquisse", il monte "La peur dévore l'âme" d'après le film "Tous les autres s'appellent Ali" de Fassbinder. Grégory Bonnefont


Bonjour Gautier, pouvez-vous revenir sur l'idée de votre projet ?
La raison de ce projet était de pouvoir tester ma première mise en scène dans le concret, de A à Z.

Comment expliquez-vous cette aspiration à la mise en scène ?
Depuis un certain temps j'ai ce désir mais c'est une évolution. Cela fait dix ans que je fais du théâtre. A un moment donné j'ai eu la sensation que je pouvais me lancer. La mise en scène c'est aussi comment je peux susciter du jeu chez les autres. C'est quelque chose d'assez progressif. 

Quelle fut votre approche du film de Fassbinder ?
J'ai un rapport peu développé au film. J'ai un rapport au texte. J'ai vu une fois le film et mes acteurs eux ne l'ont pas vu. Je veux m'en éloigner au maximum car il est très réaliste. Une telle adaptation était impossible. Le texte est quasiment une réécriture. Cela se traduit par des coupes de scènes, et des scènes non pas jouées mais dansées.

Quelle résonnance a-t-il en vous ?
Je l'ai perçu non seulement comme un texte sur le racisme, mais à travers lui, j'ai aussi été sensible à toutes les formes de rejet de l'autre.

Comment décririez-vous votre mise en scène ?
Le décor est né du jeu des acteurs. L'élément principal est un mur du fond. C'est une scénographie plate avec très peu de verticalités. Les spectateurs sont comme "enfermés". C'est un espace assez vide dans lequel les acteurs circulent, signifiant différents lieux. La lumière a un rôle important. Elle isole les espaces et accentue l'idée de cloisonnement.

Pouvez-vous revenir sur la complexité de l'être humain que vous abordez ?
Dans le texte et le film les personnages paraissent simples et tranchés. Ils ont une ligne de conduite et n'en changent pas. Leur rapport au couple de Emmi et Ali est haineux mais ils décident aussi de l'utiliser. Je dis complexité car je pense que cette pièce analyse tous les méandres qu'un individu utilise pour en oppresser un autre. Cela va du conflit frontal à l'exploitation, l'hypocrisie. Il y a tout ça en nous. Le théâtre permet de disséquer cela. Mes acteurs se sont éloignés du jeu psychologique pour aborder une dimension physique et investie corporellement. Une manière de ressentir le racisme. On a ainsi évité un jeu intellectuel et un spectacle moralisateur.

La peur dévore l'âme, le 18 juin à 20h30 au Travelling Théâtre le Verso


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