Les marionnettes de l'air

Saint-Étienne a la chance d'accueillir un spectacle inventif, créatif, à la fois beau et intelligent, entre danse, cirque et théâtre. Cet «Après-midi d'un foehn» est emblématique du jeune public mais tout le monde sort ébloui par cette création féerique, ludique et surprenante. Un moment rare.


Créée par Phia Ménard, la compagnie NonNova qui a fait un précepte fondateur de la formule “Non nova, sed nove“ (nous n'inventons rien, nous le voyons différemment) nous livre le fruit d'un travail d'exploration artistique de nos relations aux matières : glace, eau, vapeur, air. Le diptyque : L'Après-midi d'un foehn et Vortex portent sur l'élément air.

Une marionnettiste-démiurge

Cécile Briand accomplit un travail remarquable. Seule en scène, au centre d'un dispositif ingénieux où les spectateurs sont assis autour d'elle, comme au cirque, entourée de huit ventilateurs impressionnants, elle gère l'air qu'elle fait entrer d'une manière très étudiée dans des sacs en plastique défroissés qu'elle façonne et dont elle module les volumes. Par la grâce d'un parapluie translucide ou de baguettes télescopiques, elle orchestre un ballet de marionnettes aériennes. Les sacs multicolores, découpés, bricolés sous nos yeux, deviennent des personnages qui prennent leur envol, tournoient, virevoltent. Un dragon kaléidoscopique sort d'un pan du manteau de l'artiste, tandis que naît une danseuse-étoile et qu'un corps de ballet compose un tableau féerique.

Un moment magique ! Les enfants ne s'y trompent pas. Comme ils n'ont pas d'a priori et qu'ils ont un espace imaginaire énorme, celui-là même qui permet au Petit Prince d'imaginer le mouton dans sa caisse, ils retiennent leur souffle, émerveillés et laissent leur imagination vagabonder au milieu de ces créatures de rêve, au son des musiques oniriques de Debussy. Vu le rapport à la danse qu'il entretenait, nul doute qu'il aurait été ravi de voir sa musique mythique de l'après-midi d'un foehn se muer en une musique chorégraphique ; le faune devenant le foehn, un vent chaud et sec, venant d'Afrique et traversant les Alpes pour venir jusqu'à nous engendrer un spectacle d'une rare beauté. Mais c'est aussi un spectacle intelligent, car, derrière la poésie, il invite avec le sac plastique, sans que cela soit didactique, à une réflexion sur l'accumulation, sur l'environnement.

Ce spectacle est d'ailleurs programmé dans le cadre de la biennale de la danse. Succès largement mérité pour cette féerie des vents qui continuera sans nul doute d'emmener petits et grands dans un monde enchanteur.

L'Après midi d'un foehn
Mercredi 19 juin à 15h et 17h30
à l'Opéra Théâtre de Saint-Étienne


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