Quai d'Orsay

De Bertrand Tavernier (Fr, 1h54) avec Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz, Niels Arestrup…


Le cinéma de Bertrand Tavernier ne brille pas par sa légèreté ; d'où étonnement de le voir s'emparer de la BD de Blain et Lanzac relatant sur un mode de comédie picaresque le passage au ministère des affaires étrangères de Dominique de Villepin, rebaptisé Alexandre Taillard de Worms. Grand bien lui en a pris : c'est son meilleur film depuis des lustres, malgré ses évidentes faiblesses.

Adoptant le point de vue du candide Arthur Wlaminck, recruté pour s'occuper du «langage» au sein du cabinet, Tavernier met en lumière le bordel intégral que le ministre sème autour de lui, mélange d'égocentrisme, de cuistrerie, de copinage et d'agitation pure et vaine. Tant qu'il reste dans l'enceinte du Quai d'Orsay, le film est franchement plaisant, notamment grâce à la double prestation de Lhermitte et Arestrup, antinomiques comme le feu et la glace. La lourdeur de Tavernier revient dès qu'il en sort, notamment pour aller filmer les scènes parfaitement inintéressantes entre Arthur et sa compagne, aération inutile d'un récit qui méritait plus de radicalité.

Se plaçant sous la Présidence symbolique de Jean-Paul Rappeneau, qui aurait sans doute fait des merveilles avec un matériau pareil, Tavernier surprend grâce à sa conclusion, brillante, qui prend la satire à rebrousse-poil et montre que du plus grand foutoir peuvent sortir des instants de grâce. Ce qui vaut pour la politique, mais aussi, et Tavernier en a sans doute eu conscience, pour un tournage de cinéma…

Christophe Chabert


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