Filles et fils de décembre

Un mois de décembre pléthorique en bons films : on a gardé les meilleurs, avec du mélodrame français et japonais et un western social anglais… Christophe Chabert


Rappelons aux distraits que ce mois de décembre se terminera par rien moins que la sortie du nouveau Martin Scorsese, Le Loup de Wall street, encore tenu jalousement secret. Et que le mois de janvier débutera par la première partie de Nymphomaniac de Lars Von Trier, lui aussi pas encore montré à la presse à l'heure de boucler… En attendant, il y a une foule de très bons films à l'affiche, au point de ne pouvoir les citer tous.

Commençons par le bouleversant Suzanne (18 décembre) de Quatell Quillevéré, où l'itinéraire d'une jeune fille a priori équilibrée — un père aimant, une sœur complice — se transforme en chemin de croix suite à une série de mauvais choix. Elle tombe enceinte au lycée, elle rencontre un garçon qui s'avèrera un voyou, elle se retrouve en prison… La réussite de Suzanne tient à ce que Quillevéré raconte ce mélodrame avec une sécheresse surprenante, laissant des béances dans le récit et préférant l'opacité de Suzanne à toute analyse sociologique ou psychologique réductrice. C'est aussi un superbe trio d'acteurs : Sara Forestier, Suzanne énigmatique et pourtant attachante, Adèle Haenel, en sœur bienveillante mais dépassée par les actes de sa cadette, et un François Damiens immense, dont Quillevéré tire le meilleur et surtout, dont elle ne cesse de souligner la beauté et la grâce.

À quelques câbles du malheur

Mélodrame aussi au pays du soleil levant avec Tel père, tel fils (25 décembre) d'Hirokazu Kore-Eda, sorte de Vie est un long fleuve tranquille japonais, qui aurait remplacé le sarcasme de Chatiliez par une réelle bonté d'âme. Ici, l'échange d'enfants ne sert pas à charger les uns ou les autres, mais à réfléchir sur ce qu'est l'éducation et sur ce que l'on transmet —du savoir, de l'amour, de la compréhension. Même si, comme souvent chez Kore-Eda, le film a une demi-heure de trop, la délicatesse de la mise en scène et l'intelligence du propos emportent le morceau.

Enfance toujours, mais forcément plus rugueuse, du côté de l'Angleterre avec le puissant Géant égoïste (18 décembre) de Clio Barnard. Où comment deux gamins en rupture de tout — famille, école… se retrouvent à récupérer illégalement du câble électrique pour un carrossier mafieux, par ailleurs organisateur de courses de chevaux illégales. On peut voir le film comme un succédané brillant du cinéma social de Loach ou Andrea Arnold. On peut aussi le considérer comme une sorte de western contemporain, où les câbles remplacent l'or et les paysages industriels et les autoroutes le désert de Monument Valley, comme si Barnard avait fusionné dans l'Angleterre d'aujourd'hui le Ford des Raisins de la colère et celui de Stagecoach

On aurait aimé vous conseiller aussi Borgman, charge géniale d'Alex Van Warmerdam, ou The Lunchbox, jolie comédie indienne ; mais on l'a dit, il y a trop de bons films à voir en ce mois de décembre !


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