Vox Populi : les films du mois

En dehors de quelques films événements mais, chacun à leur manière, discutables, on conseillera en ce mois de janvier de ne pas rater deux séances d'un docu musical formidable : Twenty feet from stardom. Christophe Chabert


Dire qu'on attendait beaucoup du nouveau film de Steve McQueen après Hunger et Shame est un euphémisme. 12 years a slave (22 janvier) marque pour lui un tournant, puisqu'il se rapproche d'Hollywood avec cette fresque tirée de l'histoire vraie de Solomon Northup, musicien new-yorkais noir qui, en 1840, fut kidnappé, emmené dans le Sud et vendu comme esclave. Malgré les efforts incroyables de Chiwetel Ejiofor pour faire sentir la dignité et le calvaire de Nothrup, malgré la beauté de la photographie et la précision des cadres composés au micromètre par McQueen, le film semble coincer entre son désir d'être une grande œuvre classique et la pulsion arty du cinéaste, qui rejaillit dès que sa muse Michael Fassbender entre dans les plans. Cette fascination pour le maître plutôt que pour l'esclave est troublante et laisse une drôle de sensation : celle d'un film à sujet qui semble ne jamais assumer son statut, formellement impressionnant mais émotionnellement glacé.

Autre grand cinéaste européen, Alex de la Iglesia livre lui aussi avec Les Sorcières de Zugarramurdi (8 janvier) un film à la fois jouissif et inconfortable. Jouissif par ses excès, son ton de comédie horrifique, sa mise en scène carnavalesque et constamment inventive, qui pousse le spectateur jusqu'à une forme d'épuisement physique ; inconfortable car, passée l'ouverture où de la Iglesia offre une lecture iconoclaste et virulente de la crise espagnole sous la forme d'un hold-up commis par de faux artistes de rue, c'est à un pamphlet anti-féministe qu'il s'adonne, via des sorcières avides de revanche sur les hommes, manipulatrices et castratrices. Cinéaste viscéral, de la Iglesia semble avoir des comptes à régler avec les femmes de sa vie, mais ses généralisations hâtives ne dépareilleraient pas dans la bouche d'un Éric Zemmour.

Enfin un bon film avec des choristes !

La musique adoucit les mœurs, dit-on. Alors, après ces deux œuvres en colère, conseillons d'aller voir le très beau documentaire de Morgan Neville Twenty feet from stardom (les 19 et 20 janvier au Méliès). Cherchant à remettre en lumière les choristes noires des années 60 et 70 qui, de toute façon, n'ont jamais eu les honneurs de l'histoire de la soul et du rock, Neville part à la rencontre des ces artistes à part entière qui ont affronté le mépris, l'échec ou l'oubli sans jamais s'en lamenter. Pas de ton revanchard, ni d'aigreur, mais une formidable leçon de vie et de musique, qui remet les pendules à l'heure sur l'obsession de la célébrité et rappelle que l'art est, souvent, une complexe et ingrate création collective.


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