Ida, Gloria et les autres…

Un mois de février très world cinéma, avec de beaux films venus de Pologne, de Suisse, de Roumanie ou du Chili… Christophe Chabert


Alors que nous découvrirons à Berlin l'événement du mois — The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson— sort sur les écrans stéphanois le gagnant de l'Ours d'or 2013, Mère et fils (5 février) de Calin Peter Netzer. Un film qui fait le point sur le nouveau cinéma roumain, son goût du réalisme capté dans la durée par une caméra mobile et son désir de montrer les failles de la société post-Ceaucescu. Sauf que Mère et fils ne s'intéresse pas aux victimes d'un système corrompu, mais à ses agents, ici une grande bourgeoise dont les accointances avec la bureaucratie vont la pousser à tout faire pour protéger son fils de la justice. Netzer prend le risque de montrer des personnages détestables, commettant des actes toujours plus blâmables sans jamais les blâmer par sa mise en scène, laissant la tragédie en marche faire le boulot auprès du spectateur.

Le cinéma suisse étant un territoire inconnu, Lionel Baier fait figure de héros solitaire à l'intérieur de son pays. Avec Les Grandes ondes (à l'ouest) — 12 février —, il prend une poignée d'acteurs français (Michel Vuillermoz, génial, Valérie Donzelli, déjà plus exaspérante) et les envoie dans un combi Volkswagen de la Radio Suisse au Portugal. Nous sommes à la veille de la révolution des œillets, et le reportage propagandiste sur l'aide suisse au peuple portugais va se transformer en chronique d'une dictature qui s'effondre, mais aussi en comédie alerte et réjouissante sur l'envie de liberté qui s'empare des années 70. C'est bordélique, mais assez attachant.

Des femmes sous influence

Protégé de Pablo «No» Larraín, Sebastián Lelio tente avec Gloria (19 février) un portrait de femme divorcée en quête d'amour dans le Chili d'aujourd'hui. C'est avant tout le portrait d'une comédienne fascinante, Pauline Garcia, qui se livre à corps et cœur perdus dans l'incarnation de son personnage, dont le peu d'illusions vont s'effondrer face à la lâcheté des hommes qu'elle rencontre. Le film n'est pas toujours à la hauteur de son actrice, mais il témoigne d'une justesse de regard qui pose Lelio en auteur à suivre.

Autre portrait de femme, Ida de Pawel Pawlikowski (12 février) est le prototype du film d'auteur parfait. Scénario, mise en scène, montage, interprétation : c'est du zéro défaut, avec en plus un vrai sujet — le souvenir, dans la Pologne soviétique, des atrocités commises par les catholiques sur les juifs durant la seconde guerre mondiale. Le perfectionnisme de Pawlikowski force le respect, même s'il manque à Ida un petit souffle de vie qui viendrait bousculer ce goût du contrôle absolu et ferait advenir une émotion un peu trop contenue.


<< article précédent
Only lovers left alive