Futur, plus que parfait


Revoir la trilogie Retour vers le futur — au Méliès lors de ce qui s'annonce comme une homérique soirée pop-corn — c'est croquer dans une madeleine cinéphile des années 80 ; c'est aussi voir en quoi son réalisateur Robert Zemeckis y préparait avec son scénariste Bob Gale ce qui allait devenir un champ d'expérimentation dans les décennies suivantes. Marty MacFly est un ado normal, beau gosse qui fait du skate et joue de la guitare, cherchant à échapper à la lose familiale — un père sans charisme et une mère alcoolique — en se réfugiant auprès d'un savant un peu fou. Celui-ci a construit une De Lorean à remonter le temps et, lors d'un test qui tourne mal, Marty se retrouve vingt ans en arrière, au moment où son futur père doit rencontrer sa future mère.

Dès le premier épisode, Zemeckis utilise le paradoxe temporel comme une porte ouverte à la duplication des corps, à leur remodelage et à leur télescopage. Au cœur de Retour vers le futur, on trouve ainsi une photo qui s'efface au fur et à mesure où Marty intervient dans le passé et modifie son présent — son visage puis son corps disparaissent. Plus encore, son passage dans l'Amérique 60's idéalisée par le cinéma corrige celle des années 80. De retour chez lui, il retrouve sa famille reaganisée et triomphante : pensant conserver la réalité telle qu'elle était, Marty a surtout ouvert la voie au conservatisme de son époque. Bien avant Tarantino, Zemeckis pensait déjà que les corps de cinéma, créatures de celluloïd manipulables et reproductibles à l'envie, pouvaient modifier l'histoire.

Les deux autres volets de la trilogie — mais plus encore de la filmo de Zemeckis —, où Marty et Doc voyagent dans un futur so nineties puis dans le passé mythique du western américain, ne cesseront dès lors de tester cette limite : jusqu'où les personnages de cinéma peuvent-ils transformer leur environnement, le produire ou le recréer selon leurs désirs ?

Christophe Chabert

Trilogie Retour vers le futur, au cinéma Le Méliès, le vendredi 28 février à 21h


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