La politique a-t-elle vraiment changé ?

Dominique Pinon est Richard III dans la mise en scène de Laurent Fréchuret, à la Comédie de Saint-Étienne à partir du 18 mars. A l'heure des séries comme "House of Cards", cette pièce historique de Shakespeare se montre moderne dans ses thèmes : sexe, pouvoir et monstruosités. Florence Barnola


Retrouvée sous un parking de Leicester plus de 500 ans après son règne, la dépouille de Richard III a permis à des scientifiques, à coup d'ADN, de lui donner un visage début 2013. Le numérique a mis en évidence que la réputation du roi a largement dépassé la réalité. Il n'était pas laid, ni difforme. Juste une scoliose, tout au plus. Mais pour accéder au trône, il a été certainement un manipulateur, criminel et sanguinaire. Un homme de son époque ? Cent ans après la mort du dernier Plantagenêt, Shakespeare en écrit une pièce et ainsi crée une légende contribuant à faire de Richard un monstre au-dedans comme au-dehors. La monstruosité revêt plusieurs sens, le Larousse en donne quelques-uns : «grave anomalie dans la conformation d'un individu, caractère de ce qui est horrible, acte abominable, ce qui choque le goût…» Notre protagoniste est tout à la fois.

Tous les ingrédients d'un blockbuster réunis

A l'image d'une oeuvre de Picasso, toutes les faces nous sont montrées dans la puissante pièce du poète. Le dramaturge de génie avait bien compris quelle incroyable matière théâtrale serait son histoire de par la personnalité même du personnage éponyme et de son court règne. Tous les ingrédients d'un blockbuster sont réunis : un être abject, hideux, assoiffé de pouvoir mais qui pourtant est terriblement séduisant. Mais jusqu'où le charme va-t-il opérer ? Cette interrogation est soulevée par Laurent Fréchuret, qui nous revient en terre stéphanoise après un passage de 9 ans au Théâtre de Sartrouville. Dominique Pinon devient cette machine de guerre shakespearienne, ce personnage comédien s'amusant à mettre en scène son ascension et ses crimes. Ce jeu théâtral et ces clins d'œil aux spectateurs soulignent une fois encore l'immense talent de Shakespeare. Différents degrés de lecture se juxtaposent dans ses pièces, ses personnages jouent avec les identités, les rôles, prétendent malicieusement être ce qu'ils ne sont pas. On peut tout dire et montrer sur un plateau, ce n'est que du théâtre. Prospero le dit si bien à la fin de la Tempête, ce qui peut sans doute être à propos en politique : «De même que ce mirage sans assises, les tours ennuagées, les palais somptueux, les temples solennels et ce grand globe même avec tous ceux qui l'habitent, se dissoudront, s'évanouiront tel ce spectacle incorporel sans laisser derrière eux ne fût-ce qu'un brouillard.»

Richard III, du mardi 18 mars au samedi 22 mars à 20h, La Comédie de Saint-Étienne


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