Cela se passe à quelques kilomètres de chez nous, à Givors. Cela pourrait aussi être n'importe où en France, mais cette proximité-là renforce la puissance de Se battre. En effet, dans l'anonymat médiatique et politique, des gens vivent en-dessous du niveau de pauvreté, dans des situations sociales extrêmement précaires, souvent seuls, ne comptant plus que sur la bonne volonté d'une poignée d'associations pour manger, s'habiller, se loger ; pour vivre, tout simplement.
Le documentaire de Jean-Pierre Duret et Andréa Santana paraît au départ aride, sans fard, brut dans son image comme dans sa construction ; c'est qu'aucun discours, aucune distance ne doit venir se placer entre ces oubliés de la société et nous-mêmes. Quand ils racontent les histoires qui les ont conduits à cette misère qui ne s'affiche pas au grand jour, les témoins le font sans révolte et sans revendication ; c'est cette acceptation résignée d'une situation pourtant inacceptable qui fait lentement infuser la colère que l'on éprouve face à la réalité sur l'écran.
Il y a cette femme, ancienne chef d'entreprise qui, suite à de mauvais choix, a tout perdu et se retrouve seule avec ses chiens et ses chats ; il y a cette autre femme, dont la principale occupation est d'aller nourrir un ragondin sur les bords du Rhône ; il y a ces cueilleurs de fruits et légumes qui comparent leurs fiches de paye et se réjouissent de gagner 400 euros plutôt que 350 ; ou cette famille de réfugiés qui s'entassent dans un logement insalubre, au mépris de toute règle de sécurité… Et, en face, il y a ceux qui veulent les aider, mais qui ne font qu'avancer à contre-courant. Ils se battent pour ceux qui n'ont plus le courage de le faire, définitivement décrochés du wagon économique contraints de regarder le monde avec tristesse et impuissance.
Documentaire engagé ? Oui, mais pas assommé par du militantisme. Santana et Duret se contentent d'éclairer ceux qui restent dans l'ombre, pour leur rendre une dignité perdue, même parfois à leurs propres yeux. Et de nous dire, sans titiller notre mauvaise conscience, que l'on ne pourra plus jamais dire que l'on ne savait pas…
Se battre
De Jean-Pierre Duret et Andréa Santana (Fr, 1h33) documentaire
Sortie le 5 mars